AVEC SIOEN., LE GANTOIS A OUVERT GRAND LES PORTES ET SOUMIS SA POP À L’EXPERTISE INTERNATIONALE. LA VOIE DU SUCCÈS?

Sioen n’a pas l’air mécontent d’arriver au bout de l’après-midi promo. La journée a été consacrée à la presse du sud du pays, cible que la maison de disques n’a pour une fois pas voulu négliger, et le Gantois a enchaîné les interviews en français dans le texte. Il en faut cependant plus pour émousser l’enthousiasme du bonhomme. Souvent présenté comme une sorte de Ben Folds flamand (le piano comme instrument privilégié en commun), ses 3 premiers albums ont connu des sorties internationales. Pourtant, Sioen reste encore peu connu de ce côté-ci de la frontière linguistique. Son nouvel album, Sioen. (avec un point), pourrait/voudrait bien changer cela. Même si le propos du disque est ailleurs: néo-trentenaire, Frederik Sioen a surtout décidé d’être lui-même. « Quand je faisais écouter mes chansons à mes potes, ils ne comprenaient pas trop. Ils me connaissaient comme quelqu’un de plutôt joyeux, qui aime danser et faire la fête. Or, jusqu’ici, ma musique avait toujours un petit côté mélancolique. «  Entre-temps, le chanteur a cependant vécu de nouvelles expériences. En 2008, à l’invitation d’Oxfam, il part à Soweto pour collaborer avec une série de musiciens sur place. De cette expérience naîtra une tournée, ainsi qu’un album, Calling Up Soweto, qui auront laissé des traces .

Expertise suédoise

Un autre événement va également changer la donne. Pour le festival Theater aan zee, en 2010, Sioen propose une revue Motown. L’occasion d’occuper plus frontalement le devant de la scène, lui qui était souvent bloqué derrière son clavier. « Le piano, c’est à la fois mon meilleur ami et mon plus grand ennemi », sourit-il .

Pour son nouveau disque, Sioen a donc eu des envies d’up tempo et un besoin de collaborer. En janvier 2011, il se retrouve avec une soixantaine de chansons sur les bras. Et une incapacité à trancher. Au lieu de resserrer le propos, il décide alors d’ouvrir encore un peu plus le chantier. Il prend des contacts à Hambourg, Berlin, se taille à Stockholm, où il collabore avec Peter Kvint (à qui ont déjà fait appel des Britney Spears et autres Heather Nova…) « J’avais besoin d’un feedback. C’est parfois nécessaire d’avoir un miroir, de rencontrer les autres, pour mieux se connaître soi. Quand j’arrive en Suède, et qu’on me dit: « Où est l’intro? Pourquoi attendre si longtemps avant le refrain? « … Je ne dis pas qu’il faut suivre aveuglément tout ce qu’on vous dit. Mais cela vous pousse à vous questionner, à vous positionner. »

Do it yourself

Le résultat est un album pop, direct, à la fois personnel et calibré pour la radio. Un genre en soi. Difficile par exemple de ne pas accrocher à un single comme Bad Bad World, sa basse Spectorienne, son refrain über-efficace. De Gand, le chemin sera peut-être long vers le tube international, mais à la base, le titre en a tous les contours. Ces derniers temps, la Flandre montre d’ailleurs de plus en plus de facilité à s’incruster dans les charts étrangers. Nouveauté: elle ne le fait plus seulement en sortant la carte personnelle et l’exception culturelle, mais aussi en osant se fondre dans un moule pop international.

Après son triomphe au pays et son succès en France, Selah Sue s’apprête par exemple à tenter l’aventure américaine. En avril, le disque de la jeune Louvaniste sortira aux Etats-Unis sur le prestigieux label Columbia. La semaine dernière, le Rolling Stone signalait encore son nom dans sa liste d’artistes à suivre pour 2012. Autre cas à avoir trouvé le succès hors des frontières belges: Milow. A nouveau, pas question de grande révolution musicale, mais une pop acoustique à large spectre qui cartonne un peu partout en Europe. Résultat: lui aussi a décidé de tenter sa chance sur le marché américain.

La Flandre, championne de l’exportation? Si c’est le cas, on serait en tout cas bien en peine de pointer les éventuelles raisons du succès. Selah Sue, par exemple, n’a pas été initialement signée sur une maison de disques belges, mais bien sur Because, le label français qui propose également les disques de Catherine Ringer, Amadou & Mariam ou Justice… Le parcours de Milow est encore différent. Il y a d’abord un tube accidentel: une reprise guitare acoustique à contretemps du Ayo Technology du rappeur 50 Cent. Mais ensuite, Jonathan Vandenbroeck, de son vrai nom, s’est construit tout seul. Distribué en Belgique par Universal, il a monté une mini-structure et reste son propre manager. Hanne Valckenaers a été engagée pour l’épauler au niveau de la coordination et de la production des différents projets: « On ne fait évidemment pas tout nous-mêmes. Mais tout passe par nous. » Milow a négocié la distribution de ses disques, pays par pays. « C’est énormément de boulot. Mais le bénéfice est là. En Allemagne, par exemple, c’est la branche Universal Allemagne qui s’occupe de Milow, à côté d’un Rammstein. » Or la branche nationale de la major retire davantage de bénéfices directs avec ses propres artistes qu’avec les grosses machines internationales. Une motivation non négligeable pour pousser les groupes maison.

Aujourd’hui, Milow a bien signé avec un management américain pour coordonner le boulot aux Etats-Unis. Mais le do it yourself semble bien rester la règle. Un acharnement que pratique d’ailleurs Sioen. « J’ai dans mon laptop les contacts et adresses de la moindre salle du pays. Et quand il a fallu trouver une manière originale de monter un clip interactif, j’ai été moi-même faire le forcing et présenter l’idée dans les bureaux de Skynet. » Du talent et pas mal de boulot pour faire son trou. Aussi simple que ça?…

SIOEN, SIOEN., DISTRIBUÉ PAR WARNER. EN CONCERT NOTAMMENT LE 08/03, AU KVS, BRUXELLES.

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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