Un homme sans titre

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Venu au jour 40 ans après le voyage du jeune Albert Camus en Kabylie, en 1939, Xavier Le Clerc, né Hamid Aït-Taleb, propose ici un triple récit. Celui de l’Algérie au XXe siècle, celui de la construction de sa propre identité de ce côté-ci de la Méditerranée, et surtout celui d’un certain Mohand-Saïd, en précisant d’entrée: “Et ce n’est pas parce qu’il est devenu mon père que je vais vous raconter son histoire.Brouillé depuis 20 ans avec cet immigré paternel au moment où il apprend sa mort, il dresse ici, de lui, un portrait en forme d’hommage sans fard, s’interrogeant d’un même mouvement sur le complexe destin d’individus déchirés entre deux terres, sur ce que les arbitrages lexicaux disent des constructions mentales, sur la réinterprétation de souvenirs intimes par-delà le deuil et la rancune. Si certaines envolées lyriques frôlent à l’occasion la lourdeur, la langue fait l’objet d’un travail précis, très majoritairement lumineux. Comme cette fois où Le Clerc évoque “la mémoire surpeupléede son père, encombrée de “souvenirs entassés comme les femmes rachitiques dans la torpeur des gourbis”; ou un Mohand-Saïd dont les réminiscencesétaient “les shrapnels de la misère, des éclats d’enfance logés depuis dans mon crâne. La littérature bâtit ici des ponts, mémoriels autant que géographiques.

De Xavier Le Clerc, éditions Gallimard, 128 pages.

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