LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE CONSACRE UNE LARGE EXPOSITION AU MUSÉE IMAGINAIRE D’HENRI LANGLOIS, SON FONDATEUR À L’ÉCOUTE DES AVANT-GARDES.

Le musée imaginaire d’Henri Langlois

CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE, RUE DE BERCY, 51, PARIS. JUSQU’AU 03/08.

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Depuis son installation à la rue de Bercy, la Cinémathèque française s’est lancée dans une ambitieuse politique d’expositions, consacrant des accrochages inspirés à Pedro Almodovar, Tim Burton ou autre Jacques Demy. A l’instar de l’expo Renoir/Renoir qui ouvrait ce cycle, celle dévolue aujourd’hui au Musée imaginaire d’Henri Langlois, fondateur de l’institution avec Georges Franju, joue la carte de la transversalité, concept cher à Dominique Païni, son commissaire -il fut le scénographe des mémorables Coïncidences fatales entre Alfred Hitchcock et l’art présentées en leur temps à Beaubourg. La personnalité de Langlois s’y prête à merveille, il est vrai, tant ce dernier, dont l’on célèbre cette année le centenaire, sut placer sa démarche au carrefour des arts et des avant-gardes.

Les films du passé pour créer le futur

Pour autant, le parcours s’ouvre en mode purement cinématographique, dans une configuration de boîte noire n’étant pas sans évoquer l’ancien Musée du cinéma de… Bruxelles. Et de mettre en scène les correspondances filmiques dont Henri Langlois allait se faire le chantre dans ses programmations, lui qui déclarait: « Il y a toute une science camouflée derrière un programme bien fait. C’est comme ce qu’on appelait la haute-couture. Les coutures ne se voient pas. Des liens se créent entre les films. Il se passe des choses. C’est comme un accrochage de tableaux: des surprises fabuleuses sont possibles. » Soit une profession de foi, mise ici à l’épreuve concluante d’un écran où des fragments de films, savamment orchestrés, se rencontrent pour un public, imaginaire ou pas. Suit un ruban chronologique dont les arrondis retracent la trajectoire de l’homme, né à Smyrne (Izmir) en 1914, au gré de ses migrations et de celles de sa Cinémathèque, jusqu’à l’épisode fameux de son éviction par André Malraux en 1968, lequel n’avait pas mesuré la déflagration qui s’en suivrait, annonciatrice des événements de mai. Au gré des fac-similés, cahiers et autres échanges épistolaires (Cocteau lui donnait du « Mon cher dragon »), le portrait de Langlois s’étoffe, celui d’un bel esprit, pour qui il s’agissait de « montrer les films du passé pour créer le futur ». Non sans instaurer un dialogue fécond entre le cinéma et les arts plastiques, en un mouvement dont rend compte éloquemment un Foyer des artistes emménagé pour la circonstance. Et qui accueille des oeuvres de Léger, Picabia, Chagall, Severini, Magritte ou autre Duchamp, tous associés, dès les années 30 et à des titres divers, à l’aventure d’une institution qu’ils allaient aussi contribuer à légitimer. A une époque où le cinéma était un « art qui n’en finissait pas de douter qu’il en soit un », l’action d’un Langlois fut, à cet égard, aussi déterminante que proprement visionnaire…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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