IL VIENT DE SIGNER NOA MOON ET SAULE SUR ATMOSPHÉRIQUES, SON LABEL PARISIEN QUI A ACCOUCHÉ DES FARAMINEUX SUCCÈS DE LOUISE ATTAQUE ET DE CHARLIE WINSTON. MARC THONON EST LIÉGEOIS ET PRODUCTEUR, VALEUREUX ET PÉRILLEUX DOUBLÉ.

Paris, septembre 2012. Thonon, imper discret de cadre mûr -il est né en 1959-, slalome entre les fameuses colonnes bichromes de Buren. La lumière tombe sur le Palais-Royal, écrin de réussite parisienne métabolisée par ses propres atours. La scène irait bien à un film « Rive Droite » où les héros logent dans le XVIe sous les auspices de Jean Nouvel ou de meubles à particules. Triomphe des apparences, errances des réussites, rien n’est jamais aussi simple, même pour un type devenu riche -ou tout au moins qui l’a été- avec les presque trois millions de copies vendues du premier Louise Attaque. Là, Thonon, à la sortie du bureau d’Atmos-phériques, marche vers le métro pour se rendre à un dîner tardif de la SACEM. Au feu rouge, il lance ses derniers mots de la soirée:  » Je ne me suis pas payé pendant deux ans. C’est un métier difficile (un peu de silence passe) . Je pense franchement que dans cinq ans, la distribution physique des disques sera sur Amazon et dans quelques hypermarchés. Difficile de dire où en sera Atmosphériques, tu sais comme moi que cette époque ne livre plus rien de sûr. » Et tel un personnage de Truffaut qui aimerait trop les disques, même en version digitale, Thonon fond ses humeurs dans les feux de bagnole vers un autre meeting d’affaires. Il est 21 heures.

Paris, septembre 1998. Louise Attaque fait un triomphe avec un premier album sorti 17 mois auparavant face à l’incrédulité d’une critique indifférente. Le disque finira par se vendre à près de trois millions d’exemplaires.  » Cela nous a fait vivre pendant pratiquement quatre ans », explique Thonon dans le bureau sans chichis d’Atmosphériques.  » Comme le premier album de Charlie Winston, vendu à environ 700 000 exemplaires dans le monde, cela a permis au label d’oser d’autres choses. Pour Louise Attaque, l’explication que je donne généralement, c’est que le premier disque de quatorze chansons contient six tubes. On a bossé neuf mois avant que les radios ne bougent sur J’t’emmène au vent . On a travaillé deux ans pour faire durer l’album: quand le titre est enfin rentré sur une radio FM un an après sa sortie initiale, on avait déjà vendu près de 300 000 copies. On avait investi à l’époque 80 000 FF (12 000 euros, ndlr) pour le live, ce qui était beaucoup: le groupe a fait des salles de 100-200 places, puis de 300-400, la tournée s’est terminée dans des Zénith… » Chronique d’un triomphe absolument pas annoncé, à l’instar de la saga Winston: lorsqu’il découvre Charlie en décembre 2007, Thonon est persuadé que les nombreuses chansons déjà écrites doivent être réenregistrées, reformatées. Il nous fait écouter l’original autoproduit de Like A Hobo: il s’agit bien du même titre, mais dans sa forme f£tale, nettement moins radio-friendly.  » Il a fallu trois mois pour qu’on apprenne à se connaître, à s’habituer l’un à l’autre, à avoir une confiance mutuelle, sept mois avant d’enregistrer l’album. Comme pour Bashung, le temps de préparation a été long. »

De Seraing à Bashung

Quand il crée Atmosphériques en 1996, Thonon a déjà dix ans de business derrière lui. Fils d’un hautboïste à l’Opéra royal et d’une pianiste mère au foyer, le Liégeois est d’abord enseignant.  » Je fais les intérims, me retrouve à Seraing, donne français et histoire en technique et en professionnel. » Sur sa passion rock viennent alors se greffer des boulots de journaliste free-lance chez FM56 et Télémoustique, d’organisateur occasionnel – » 600 personnes pour Jo Lemaire, un carton »- avant de passer de l’autre côté du miroir. En 1986, il dit oui à Virgin Belgique dont il assure la promo « tous azimuts »: dans ce décor libre, il fait des rencontres qui comptent comme celle d’Etienne Daho auquel il conseille le producteur Stephen Hague. Plus anglo-saxon que ses confrères frenchies, Thonon attire l’attention du patron de Virgin Editions France qui finit par le débaucher:  » J’arrive à Paris le 1er avril 1989, j’ai 29 ans et mon job consiste à être à la fois directeur artistique des artistes locaux et relais pour les artistes internationaux. » A l’automne 1992, DA chez Barclay, il organise la rencontre Cheb Khaled-Don Was (producteur des Stones, couvert de Grammys) pour l’union sacrée et un tube international ( Didi): « L’industrie du disque est alors au sommet, Eicher vend un million d’albums, on peut dépenser 100 000 euros sur un clip, 200 000 sur un album, moi-même je me retrouve à la tête d’un budget de 14 millions de FF (2.100.000 euros) . Le plus gros chiffre d’affaires, ce sont les années 2000-2001. Je ne parlerais pas de gabegie, cela créait des excès mais aussi du confort. On dépensait beaucoup sur un marché qui rapportait énormément, 1,2 milliard d’euros pour la musique en France en 2002, 580 millions l’année dernière. » La boulimie fric appelle la nuance, même chez les majors du système:  » Rachid Taha a été soutenu par Universal et Pascal Nègre pendant quinze ans. » La gestion de Marc va bien au-delà des finances: « Quand j’ai été directeur artistique sur le Chatterton de Bashung (1994), on s’est vus lui et moi pendant deux ou trois mois tous les jeudis après-midis: il ne me faisait pas écouter ses maquettes mais on parlait de musique, on en écoutait, on évoquait des pistes, des noms de musiciens, des sons. » A l’ICP bruxellois où a lieu l’enregistrement, c’est Marc qui gère les session men ricains embauchés à prix fort,  » 1500 dollars la journée ».  » En décembre, on avait terminé une version de l’album, puis début janvier, Bashung a eu des doutes et voulu tout remixer. J’ai dit oui… C’est un boulot empirique, parfois tu te plantes. La direction artistique porte bien son nom: tu donnes des directions à l’artiste, tu ne lui imposes rien. Beaucoup tient au relationnel. »

Flying To The (Noa) Moon

Carnet d’adresses dignement rempli, Thonon se retrouve, en 1996, directeur-adjoint de Barclay -l’un des départements de ce qui deviendra le groupe Universal-,  » les oreilles de Pascal Nègre ». S’en suivent une relation difficile avec son alter ego, Olivier Caillard, et la conscience d’être coincé:  » J’ai compris que si je ne pouvais pas suivre un projet dans son intégralité, si je voulais protéger la vision partagée avec un artiste, il fallait monter mon propre label. » Dès 1997, partiellement financé par Régis Talar, patron de Tréma, qui enregistre Sardou (…), l’Atmosphériques de Thonon est boosté par le succès mué en triomphe de Louise Attaque. D’autres signatures suivent (Louis Chédid, Grand Popo Football Club, Tahiti 80) avant une reprise en main en 2002 par Universal des parts de Tréma. Période de plein régime, également médiatique: Marc est Président des Victoires de la Musique en 2001- 2002. Il aura d’autres titres tels que Président du Fonds de la Création Musicale ou  » France oblige », Chevalier des Arts et des Lettres. Ghinzu, Martin Rappeneau, Abd Al Malik se retrouvent dans son cheptel. Lorsque la « crise  » arrive, le valeureux Liégeois doit renégocier avec la major française: Marc rachète à Universal l’intégralité des éditions, sa marque et une partie du catalogue, pour près d’un demi-million d’euros… Aujourd’hui, proprio à 100 % d’Atmosphériques -mais une prise minoritaire par un fameux label européen est imminente-, Thonon a dû emprunter du fric et diversifier ses activités, prônant le business-model à 360°: en dehors de la production de disques et des éditions, le label s’investit également dans les prestations live de ses artistes. Le patron de cette PME d’une dizaine de salariés, qui se considère d’abord comme  » un développeur de talents », reçoit toujours autant de sollicitations quotidiennes,  » deux, trois via Facebook, cinq à dix par e-mail, plus des gens qui m’appellent au téléphone ». Resté belge -même si l’accent peket d’avant s’est mis au Beaujolais-, Thonon a craqué pour Saule, dont le nouvel album collabore avec Charlie Winston – » leur idée, ils se connaissaient déjà »- et la toute jeune Noa Moon.  » J’adore la chanson de la pub, Magic (Is In The Air) , et Paradise dont on vient de terminer le clip, tu veux le voir? » Excité, il visionne la vidéo, des sauts de l’ange dans les Gorges du Verdon. En espérant peut-être des ventes pareillement vertigineuses.

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RENCONTRE ET PHOTOS PHILIPPE CORNET, À PARIS

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