Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

GUÉRI, SUFJAN STEVENS CARESSE À NOUVEAU LES PAYSAGES FOLK ET SOYEUX DE SES DÉBUTS AVEC UN MAGNIFIQUE ALBUM DE DEUIL.

SUFJAN STEVENS

« CARRIE AND LOWELL »

DISTRIBUÉ PAR ASTHMATIC KITTY/KONKURRENT.

8

Il faut bien l’avouer, on pensait avoir définitivement perdu Sufjan Stevens. Après avoir enchanté de sa pop ciselée et d’une idée folle comme celle d’enregistrer un album par état des Etats-Unis (il n’en est qu’à deux: le Michigan et l’Illinois), le natif de Detroit s’était égaré dans les dédales d’une pop cosmique, futuriste et électronique qui lui allait mal au teint. Renaissance. Résurrection. Cinq ans pratiquement après la sortie de The Age of Adz, ce grand amoureux de Noël et de ses chansons (Sufjan enregistre chaque hiver des morceaux pour célébrer le vieux barbu) délaisse ses drôles d’expérimentations pour en revenir à la douceur et à la classe cristalline de ses désarmants débuts.

Enregistré l’an dernier pendant l’été dans son home studio de Brooklyn bercé par le vrombissement de l’air conditionné, le nouvel album du bientôt quadragénaire à la voix d’enfant de choeur a été inspiré par le décès en décembre 2012 de sa maman, Carrie (le titre fait aussi référence à son ex-beau-père, Lowell Brams, avec qui Sufjan a créé le label Asthmatic Kitty), et par trois séjours qu’ils passèrent ensemble dans l’Oregon quand il avait entre cinq et huit ans. Ce sont les rares souvenirs d’enfance qu’il lui reste d’une mère qui a abandonné sa famille quand il n’avait qu’un an. Une mère qui dans les années 80 se maria à Lowell avant d’en divorcer. Souffrit de dépression, de schizophrénie et d’alcoolisme. Ne voyant qu’épisodiquement ses enfants élevés par leur père et leur belle-mère dans le Michigan.

L’histoire est d’une tristesse à faire pleurer les cailloux et l’album doux comme l’arrivée du printemps. Il parle « de la vie et de la mort; de l’amour et de la perte; de la lutte de l’artiste pour donner sens à la beauté et la laideur de l’amour« . Il évoque les pensées suicidaires et les regrets, se demande comment on vit avec les fantômes…

« Je suis explicite sur des expériences vraiment terrifiantes de mon existence mais mon espoir a toujours été d’être responsable en tant qu’artiste, d’éviter de me complaire dans mes souffrances et d’apparaître comme un exhibitionniste, commentait-il en janvier à Pitchfork. (…) Je ne suis pas la victime ici. Je ne cherche pas la sympathie des gens et je ne blâme pas mes parents. Ils ont fait de leur mieux. »

Dénudé, d’une fragilité tremblante, le septième album studio de Sufjan Stevens est d’une beauté bouleversante et Death with Dignity en constitue la parfaite introduction. Carrie and Lowell -au casting duquel figurent Casey Foubert, Laura Veirs, Nedelle Torrisi (Cryptacize), Sean Carey (Bon Iver), Ben Lester ou encore Thomas Bartlett- est un magnifique disque de deuil. Une petite merveille qui rappelle le regretté Elliott Smith et se rangera précieusement près de Seven Swans et d’Illinois.

JULIEN BROQUET

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