Dompter le temps – La série Heroes revisitée par Hideo Nakata (Dark Water)… en coréen dans la langue. Voilà ce que propose Kang Full, un prodige qui s’est fait connaître par le Web.

Par Kang Full, chez Casterman (2 volumes parus).

Quel secret cache ce lycéen trop vite grandi? Le rêve de tous les élèves du monde: pouvoir arrêter le temps d’un claquement de doigts. Il s’en sert pour, sans se fatiguer, devenir un premier de classe indétrônable… et tenter de sauver ses camarades d’une vague de suicides vraiment inexplicable.

Avec un homme qui a perdu sa famille dans l’explosion de leur appartement, une jeune prof d’anglais, une vendeuse de doughnuts et un inspecteur de police, il combat ainsi un mystérieux meurtrier et sa clique de morts-vivants. Tous détiennent un super pouvoir lié au temps. L’un peut revenir exactement dix secondes en arrière, une autre émerge d’un rêve prémonitoire dix minutes avant qu’il se réalise… et ainsi de suite.

Kang Full surfe sur une vague qui agite le petit monde des comics depuis un bon paquet d’années: entrer dans l’intimité des super héros. En faisant d’eux des gens ordinaires dotés d’un petit quelque chose de spécial ( Heroes), en les faisant évoluer dans un écosystème finalement proche du nôtre ( Wanted).

Le talent de Kang Do-young (son vrai nom) est pourtant ailleurs. Dans le visuel, tout d’abord. Ses £uvres sont graphiquement déroutantes pour un £il occidental – surtout si celui-ci s’attend à un ersatz made in Korea de la BD japonaise. Des vignettes verticales, un traitement purement « computerisé », des couleurs très artificielles, des effets de champ/contrechamp… Kang Full a connu le succès grâce au Web, et cela se voit.

Le découpage, en revanche, ressemble diablement à celui d’un story-board de long-métrage. Ce n’est donc pas un hasard si la plupart de ses manhwas ont été adaptés au cinéma, d’ Appartement à L’Idiot. Ce sera bientôt au tour de 26 Years et de Timing de connaître cette consécration. En retour, l’homme travaille comme scénariste sur The Host 2, préquelle au thriller fantastique sorti en 2006 sur le Vieux Continent. Une vraie reconnaissance: The Host n’est rien moins que le plus gros succès du cinéma coréen (13 millions d’entrées).

DU WEB AU CINéMA

Kang Full a commencé sa carrière en dessinant des affiches pour son club d’étudiants. Problème: ses camarades se désintéressaient totalement des messages textuels. Il a donc commencé à dessiner des comics pour capter leur attention. Et n’en est plus ressorti.

Il lui faudra néanmoins des années – et un beau succès taillé sur le Net – avant d’être publié. Il lance Kangfull. com en avril 2002. La réponse, immédiate, dépasse ses rêves les plus fous. Les internautes s’échangent ses dessins via les messageries instantanées, en plein boom. Des portails lui demandent des contributions régulières. Des maisons d’édition publient ses £uvres, que des sociétés de production cinématographique adaptent. Le rêve américain en version coréenne – et Web.

Ses manhwas sont pourtant un vrai paradoxe pour le grand écran. Très séduisants pour un réalisateur, par leurs découpages originels, l’originalité de leurs scénarios, la diversité de leurs motifs, la variété des points de vue. Très difficiles à transposer, par leur longueur, l’intrication de leurs fils narratifs, la précision d’horloger de leurs intrigues. Enlever un élément est quasiment impossible. Comment les faire tenir dans un format de deux heures maximum? Tout un art.

www.casterman.com

Vincent Degrez

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