Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Dresseur de puces – Dans son septième album studio, Thomas Fersen trimballe sa valise de mots marinés dans un grand bestiaire.

« Trois petits tours »

Distribué par Warner.Fersen chante un peu comme s’il sortait de sa sieste. Sa voix légèrement lymphatique, toute roulée en boule de sommeil, donne l’impression que sans ses mélodies fureteuses, elle s’écraserait définitivement dans le parterre de fleurs le plus proche pour ne plus jamais en décoller. Mais les chansons trimballent des vitamines d’un genre particulier et placent d’emblée ce septième album studio dans un duo d’humour et de tendresse. L’expression sonne sans doute comme un vieux caleçon élimé mais Thomas Fersen s’en fout: fashion victim, il n’est pas. Même que la pochette de Mondino creuse le filon vagabond XIXe en fringuant le chanteur de 45 piges en clochard céleste, mi-cendrillon à barbe, mi-prestidigitateur forestier. Instrument principal du voyage: une valise. Pas vraiment en carton mais de toute façon, Fersen voyage léger et pas forcément moderne: il arrange les données acoustiques (clarinette, piano, banjo, batterie…) autour d’un ukulélé (soprano), devenu fétiche après avoir déjà été au centre d’une tournée et d’un Best Of. D’emblée, ce minus à cordes donne le ton désuet qui compense sa carrure de bouteille de Coca-Cola musicale par une joyeuseté communicative. Suffit d’écouter l’intro d’ Embarque dans ma valise pour se rendre compte que Fersen met volontiers du Hawaii dans sa tête de veau parigote. A certains moments ( Ce qu’il me dit), le chanteur verse un peu d’électricité au menu, laissant à quelques glissendis de guitare, l’occasion d’expérimenter toute la volupté du 220 volts.

Braderie de mots

Mais la spécialité de Fersen, ce sont les mots: toujours chouchoutés par une syntaxe agile, ils sont marinés dans un grand bestiaire qui épingle indifféremment mouches, punaises, concombre, chocolat, malle ou formol. Cette collection incongrue forme des nids douillets et autant de nids de poule où Fersen ne fait pas de distinction entre douceur et dérision, petits cafards et grands sentiments. Ses chansons, comme sa valise, sont à double fond. On peut rire et grimacer en leur bonne compagnie, se marrer aux fraîches tranches de mots:  » Il donne une fessée à madame/Et boum, il boxe la grosse caisse » ( Formol);  » On m’a débouché les oreilles/Il y avait une mine de crayons » ( Concombre) ou encore, en parlant d’une mouche voisine:  » Et pis elle fait du barouf/On dirait qu’elle a fumé d’la chnouf » ( Les mouches). Attention, pas de quoi se racler la gorge en criant au chef-d’£uvre, mais dans le genre dresseur de puces et de chansons, voilà un lascar doué pour ouvrir un marché du même acabit. Fersen, braderie de mots et ritournelles garanties. C’est la boulangerie du coin qui, espérons-le, continuera à se vendre comme les petits pains au supermarché.

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