Au pays de l’or noir – Autour d’un Daniel Day-Lewis impérial, Paul Thomas Anderson signe une parabole estomaquante sur l’Amérique des pionniers.

De Paul Thomas Anderson. Avec Daniel Day-Lewis, Paul Dano, Dillon Freasier. 2 h 31. Buena Vista.

Assurément l’un des films les plus puissants des derniers mois, There Will Be Blood nous ramène à l’époque de l’Amérique des pionniers, quand tout était encore à construire pour des individus vibrant d’une ferveur quasi fanatique. L’un de ces hommes, c’est Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis), prospecteur tout entier rivé à ses rêves de fortune – objectif dont rien ne saurait le détourner, ni la douleur de l’accident ni, bientôt, la présence d’un enfant.

Ayant connu un début de réussite dans le pétrole, l’homme est averti par une âme charitable de l’existence d’un filon inexploité dans une bourgade de l’ouest. Aussitôt, le voilà reconverti bâtisseur d’empire, sous le regard bienveillant (et nullement désintéressé) du pasteur local (Paul Dano, justement allumé). La réussite est en effet au rendez-vous, fulgurante, et suscitant les appétits les plus divers; elle a aussi son prix, celui d’une humanité promptement sacrifiée sur l’autel de la cupidité.

Aux racines de l’Amérique

There Will Be Blood marque un changement de cap dans la filmographie de Paul Thomas Anderson ( Boogie Nights, Magnolia), qui délaisse ici ses contemporains pour plonger aux racines de l’Amérique. Et s’atteler, plus particulièrement, à une réflexion sur l’alliance objective, au nom d’intérêts « supérieurs » bien compris, entre foi (ou ce qui en tient lieu) et esprit d’entreprise capitaliste dans la construction de la nation. Une collusion dont les effets – potentiellement dévastateurs, comme établi dans un finale allant crescendo jusqu’au bout d’une douloureuse démesure – ont largement débordé ce seul cadre historique.

Voilà qui donne à cette £uvre un caractère brûlant, souligné par une mise en scène chargée de tension. Western métaphysique et sépulcral, There Will Be Blood entraîne le spectateur au bout de sa folie, porté par la partition hallucinée de Jonny Greenwood, guitariste de Radiohead, et celle, hantée, de Daniel Day-Lewis. Evoluant au c£ur de la désolation, tant physique que morale, voué à une solitude abyssale, ce dernier est tout simplement phénoménal – le rôle lui a d’ailleurs valu un Oscar on ne peut plus justifié. Ce seul portrait de la misanthropie aurait suffi à faire un grand film. La perspective plus vaste du propos, son incandescence, en font une £uvre majeure et, pour tout dire, incontournable.

Service minimum, par contre, pour ce qui est des compléments, puisqu’on n’a droit ici qu’à quinze minutes de photos et archives filmées ayant nourri le film, servies sans commentaires, encore bien, mais accompagnées de la musique ensorcelante de Jonny Greenwood, toujours.

Jean-François Pluijgers

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