The Square, une comédie grinçante au carré

Appelé de dernière minute de la compétition, le Suédois Ruben Östlund s’est donc emparé des lauriers cannois à la faveur de The Square, comédie grinçante n’étant pas sans évoquer Toni Erdmann, de Maren Ade, le coup de coeur de l’édition 2016 du festival. À 43 ans, Östlund n’est pas un inconnu, lui dont l’on avait déjà pu apprécier Play et le formidable Snow Therapy, où il s’employait brillamment à faire craquer le vernis des apparences. Entreprise qu’il poursuit et amplifie aujourd’hui avec The Square, du nom d’une installation que s’apprête à accueillir un musée d’art contemporain suédois, et se voulant « sanctuaire de confiance et de bienveillance ». « En son sein, nous sommes tous égaux en droits et en devoirs.« Principes altruistes rapidement mis à mal par la dure réalité des faits, suivant un engrenage enclenché lorsque Christian, le conservateur beau parleur de l’institution, se fait dérober portefeuille et téléphone portable, sa réaction entraînant des dérèglements en cascade. « Ce projet a vu le jour lorsque Kalle Boman, mon producteur, et moi avons été invités par le Vandalorum Museum à créer une installation, commence le cinéaste, rencontré au lendemain de la première triomphale de son film. Nous avons alors pensé à The Square, un lieu symbolique qui viendrait nous rappeler notre responsabilité collective. Tout en travaillant à cette exposition, j’ai commencé à écrire le scénario d’un long métrage abordant une thématique voisine, que j’ai naturellement pensé situer dans le monde artistique. »

Si l’on y verra une satire féroce (même si non exempte de facilités) du milieu de l’art contemporain, The Square se prête aux extrapolations, et Östlund ne cache pas que plusieurs situations découlent de son expérience du monde du cinéma. « Quel que soit le domaine dans lequel on évolue, il est bon de l’envisager de manière critique, poursuit-il. Et de s’interroger sur ce que l’on est en train de faire: voulons-nous simplement perpétuer les rituels et les conventions, ou y a-t-il lieu d’aller gratter sous la surface?« Proposition que le réalisateur applique du reste à l’évolution de la société dans son ensemble, son film abordant une large variété de sujets dans une accumulation narrative où s’entrechoquent lâcheté, hypocrisie, individualisme, effritement du lien social et perte de confiance notamment. Et de se référer, à titre d’exemple, à une histoire que lui racontait son père: « Quand il avait six ans, dans les années 50, ses parents le laissaient s’aventurer dans les rues de Stockholm avec une simple médaille comportant son adresse autour du cou, persuadés que s’il rencontrait le moindre problème, des adultes lui viendraient en aide. Aujourd’hui, c’est à peine si les parents ne disent pas aux enfants que les autres adultes constituent une menace pour eux. Leurs vies se passent donc à deux niveaux parallèles. Et cela, même si statistiquement, la société n’est pas devenue moins sûre. Il y a eu un changement d’attitude, mais uniquement lié à la peur, et non à la réalité. Voilà le genre de questions que je souhaite soulever. » Et qui font aussi le prix d’un film à l’humour aiguisé, comédie au carré passionnante jusque dans sa démesure…

J.F. PL.

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