The Quiet Girl : le désarmant crève-coeur de Colm Bairéad

La majeure partie de The Quiet Girl a été tournée dans le comté de Meath, au nord-ouest de Dublin, région dont est originaire la productrice du film et épouse du réalisateur, Cleona Ní Chrualaoí. © National
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Le réalisateur irlandais Colm Bairéad signe avec The Quiet Girl, son premier long métrage, un désarmant crève-cœur qui accompagne une jeune fille effacée et négligée par ses parents dans sa découverte d’un foyer aimant.

Depuis sa première mondiale à la Berlinale en février 2022, où il a été doublement primé, The Quiet Girl, le premier long métrage de Colm Bairéad, a récolté un véritable déluge de nominations et de récompenses, devenant rapidement, dans la foulée de sa sortie au Royaume-Uni, le plus gros succès en langue irlandaise (le gaélique irlandais) de toute l’Histoire du cinéma. Situé dans l’Irlande rurale et pauvre du début des années 80, le film suit Cáit, une fillette de 9 ans discrète et peu aimée, alors qu’elle est envoyée vivre chez des parents éloignés durant l’été. Dans cette maison qui renferme un déchirant secret, elle s’ouvre peu à peu aux autres et s’épanouit à travers la découverte de ce que peut être un foyer où règnent l’affection et la bienveillance…

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Objet d’une infinie délicatesse, The Quiet Girl a été inspiré à Bairéad par la lecture d’une nouvelle, Foster, écrite en 2010 par sa compatriote Claire Keegan et publiée à l’origine dans le New Yorker. “J’ai toujours été très attiré par les histoires sur l’enfance, commence le réalisateur alors qu’on le retrouve en marge du dernier Film Fest de Gand. Dans tous mes courts métrages, il y a de jeunes protagonistes. J’aime profondément le cinéma à hauteur d’enfant. Notamment, je crois, parce que celui-ci a tendance à moins se braquer sur une intrigue rigide afin de privilégier une expérience plus poétique et sensorielle qui ambitionne d’épouser le point de vue du jeune protagoniste. La nouvelle de Claire Keegan, Foster, invitait déjà beaucoup à ça. Elle était écrite au présent, à la première personne du singulier et reflétait entièrement le point de vue de la petite fille. Ce qui m’attirait énormément, aussi, c’est que son intrigue était réduite au minimum. L’histoire de Foster, et celle de The Quiet Girl à sa suite, sont en effet simplissimes. Elles peuvent se résumer en une phrase toute bête. J’aimais le challenge que ça impliquait. Comment faire pour intéresser les spectateurs à une histoire aussi simple? Cette question appelait une vraie réponse de cinéma. Et celle-ci tient beaucoup à cette idée d’immersion pure dans le point de vue de l’enfant. Tout le monde se souvient plus ou moins de ce que c’est d’être un enfant, cet être en devenir pourvu d’une compréhension très flottante, très lacunaire, du monde. L’enjeu du film tenait beaucoup, selon moi, à parvenir à raviver intensément, chez le spectateur, ce parfum très spécifique de l’enfance.

Comme une fleur

Attentif aux moindres détails, aux plus infimes frémissements de la vie, le film adopte un format image plus restreint que le tout-venant des sorties cinéma, afin, justement, de refléter au mieux la relative étroitesse de la compréhension du monde qui est celle de Cáit. “Oui, c’est l’idée de traduire le point de vue d’une jeune personne dont l’horizon reste encore relativement limité, qui ne saisit pas tout ce qui se joue en dehors du cadre. En tant qu’enfant, l’univers se limite bien souvent à ce qui se trouve devant vos yeux. Vous n’avez pas encore une appréhension globale du monde existant.

Si la mise en scène du film vise une vraie subjectivation, elle le fait avec énormément de pudeur et de sobriété, tendant à l’occasion vers une forme d’impressionnisme tout en retenue. “J’aime en effet l’idée d’une certaine retenue, d’une certaine sobriété, que ce soit dans le storytelling ou dans la mise en scène. Comme dans le cinéma de Kelly Reichardt, par exemple, que j’admire énormément. Le film est beaucoup là-dedans mais, oui, il s’autorise aussi des moments plus poétiques, quasiment rhapsodiques, plus proches du cinéma d’un Barry Jenkins voire de certains films de Terrence Malick peut-être. Mais c’est toujours justifié par le point de vue du personnage. Ces moments tendent en effet à signifier que sa compréhension du monde s’étoffe, que son horizon s’élargit. Elle est comme une fleur qui grandit et s’ouvre peu à peu. Le mot d’ordre sur le film était de tendre vers un maximum de simplicité, vers une certaine naïveté visuelle même, mais pour toucher à une vraie complexité du monde de l’enfance. J’aime le minimalisme au cinéma et je pense que la forme d’un film est un grand indicateur de la personnalité de celui ou celle qui le fait. Je suis quelqu’un de très calme, de très discret, porté vers l’observation, un rapport presque méditatif au monde, et je pense que The Quiet Girl traduit un peu tout ça à la fois. Dans ses Notes sur le cinématographe, Robert Bresson parle de produire de l’émotion en résistant à l’émotion, et je crois beaucoup à ça. Certains films cherchent tellement les grandes émotions en permanence qu’ils finissent par vous anesthésier. En contenant les choses, en cherchant simplement à être honnête et sincère sans en faire trop, je pense que vous pouvez toucher à une émotion beaucoup plus vraie, et aussi, en un sens, beaucoup plus profonde.

The Quiet Girl

Situé dans l’Irlande rurale du début des années 80, le premier long métrage de Colm Bairéad fait le portrait intime et sensible d’une fillette de 9 ans issue d’un milieu défavorisé qui découvre ce qu’est la chaleur d’un foyer le temps d’un bref séjour chez des parents éloignés. Rivé à son point de vue et son expérience de l’existence, le cinéaste traque la beauté et la profondeur tapies derrière l’apparente banalité des petites choses de la vie. Tout en délicate retenue, le film libère dans son final une bouleversante émotion.

De Colm Bairéad. Avec Catherine Clinch, Carrie Crowley, Andrew Bennett. 1 h 34. Sortie: 10/05. ****
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