Casting de rêve – Bob Dylan, Tom Waits, Kurt Cobain… Le tableau de chasse de Mark Seliger est impressionnant. Un rien trop pompeux peut-être, mais fascinant quand même.

De Mark Seliger, éditions teNeues, 160 pages.

C’est ce qui se fait de mieux aujourd’hui au rayon photo. Avec cent trente couvertures au compteur- Vanity Fair, Vogue ou GQ -, Mark Seliger est membre à vie du club très fermé des photographes que s’arrachent les magazines et les marques de luxe. Mais c’est surtout comme grand manitou de la photo de Rolling Stone de 1992 à 2002 qu’il restera dans les annales. Durant cette période, il a en effet vu défiler tout le gratin de la musique mondiale devant son objectif.

Aujourd’hui, cet intello du cliché (il peut passer trois jours dans une bibliothèque pour préparer un shooting…), a rassemblé ses meilleurs portraits des 20 dernières années dans un album précieux, sorte de hall of fame de la musique dont on tourne les pages avec délicatesse, de peur de froisser les icônes qu’il renferme.

Le travail du New-Yorkais est doublement original. D’abord, il ne connaît pas les frontières. Seliger n’est pas le portraitiste du blues ou du rock. Il brasse large. Et met le même soin et la même énergie à immortaliser Fleetwood Mac que Kanye West ou Radiohead. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse et l’intérêt de cette anthologie de la musique populaire – essentiellement américaine – de 1950 à nos jours.

L’Amérique en scène

L’autre trait marquant du personnage, c’est son regard. A la différence d’un Alain Dister par exemple, Mark Seliger se complait dans une théâtralité que certains jugeront sans doute un peu trop maniérée, trop américaine, mais qui a l’avantage d’avoir une « gueule » et de sublimer ses sujets. Qu’il convoque la mythologie des grandes plaines de l’ouest pour montrer Jack et Meg White sur un cheval rouge ou celle des bars à rednecks pour camper la vieille bobine de Hank Williams, la légende inusable de l’Amérique bien dans ses santiags n’est jamais loin.

Seliger ne gomme pas les stéréotypes, il les souligne, convoquant pour chaque image son lot de fantasmes kitsch. C’est particulièrement visible dans ses tableaux des rois du hip-hop. Il les couronne prince du bitume, avec peignoir d’hermine et trône rococo. Une imagerie bling-bling qui laissera des traces sur MTV… Dans le genre, la scène montrant un Nelly affalé au bord d’une piscine, deux tigresses à talons-aiguilles blotties en guise de couverture, vaut son pesant de montres en or ( photo).

Un £il européen sera parfois agacé par ce verni clinquant qui n’exclut pas la faute de goût – les Red Hot Chili Peppers nus comme des vers par exemple. Reste que Seliger réussit à donner corps à son esthétique néoromantique. Un parti pris que semblent d’ailleurs apprécier les vieux briscards blasés qui se succèdent sous sa loupe. Le regard malicieux et désaxé des quatre Stones, toutes rides dehors, vaut ainsi à lui seul le détour.

Laurent Raphaël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content