Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

CLAIR-OBSCUR – DIFFUSÉE EN 2011 AUX USA, CETTE ADAPTATION AMÉRICAINE D’UNE SÉRIE DANOISE EST UNE MERVEILLE À L’ESTHÉTIQUE TRAVAILLÉE ENTRE GRIS CLAIR ET GRIS FONCÉ.

UNE SÉRIE AMC, CRÉÉE PAR SØREN SVEISTRUP. AVEC MIREILLE ENOS, BILLY CAMPBELL, JOEL KINNAMAN. COFFRET 4 DVD, DIST: 20TH CENTURY FOX.

Question: en 2011, a-t-on encore le droit de fabriquer des séries policières sans renouveler le genre? Réponse: oui, et même parfois, c’est très bien. C’est le cas de l’excellente surprise The Killing (AMC), l’adaptation d’un feuilleton danois auréolé d’un Bafta (les Golden Globes britanniques) de la meilleure série, devant les valeurs sûres Boardwalk Empire, Mad Men et Glee. De facture plutôt classique, inspirée par quelques joyaux du genre, The Killing est une sorte de mix entre Twin Peaks (pour l’intrigue), Rubicon (pour l’obscurité), The Wire (pour la multiplication des points de vue) et 24 heures chrono (pour le suspense). Un cocktail diablement addictif, qui donne envie de rogner sur ses heures de sommeil, d’y noyer ses jours et ses nuits. Ingrédient de base: Rosie, 17 ans, lycéenne de Seattle, qui disparaît un soir de bal avant d’être retrouvée ligotée et noyée dans un coffre de voiture.

La police mène l’enquête, et c’est Sarah Linden, mère célibataire légèrement à cran, qui prend l’affaire en charge. Elle était censée prester son dernier jour à la crim’, elle voulait juste donner un coup de main, mais ce cas va l’avaler toute entière. Jusque-là, rien de bien exceptionnel ni sur le fond, ni sur la forme. Sauf que l’on va vite se rendre compte que Rosie n’est peut-être pas l’enfant de ch£ur dépeint par ses proches, et que pas mal de monde avait intérêt à ce qu’elle disparaisse. Et que l’on va s’intéresser non seulement à l’investigation policière, mais aussi aux dommages collatéraux de ce meurtre sur la famille de l’adolescente, ainsi qu’à ses répercussions politiques, qui prendront de plus en plus d’ampleur au fil des épisodes. Ce récit, bâti par cercles concentriques, balaye tous les aspects du drame et en propose une vision extrêmement riche et complexe, jamais vue à la télévision.

Sacrée gueule

The Killing est une série aux multiples textures, aux accents divers: c’est un thriller, c’est un mélo, c’est un jeu de pouvoir… Un Cluedo d’une rare subtilité, doté d’un souffle proprement… soufflant, où le colonel Moutarde, le docteur Olive et les autres sont tout à fait remarquables. Cependant, un personnage leur fait de l’ombre, la fliquette Sarah Linden, interprétée par Mireille Enos, une rouquine avec une tronche incroyable, une vraie gueule cassée (vue notamment dans Big Love sur HBO), qui devrait connaître la gloire -ou en tout cas une très belle carrière- grâce à ce rôle.

Jouée à la perfection par des comédiens fascinants, esthétiquement très travaillée -dans toutes les tonalités de gris-, brillamment sonorisée, la série fait se dresser les poils et courir des frissons sur l’échine. Une petite merveille dont l’épilogue a fâché une partie du public: elle ne résout rien dans son stupéfiant final. Ce n’est qu’à l’issue de sa formidable seconde saison, qui vient d’être diffusée aux Etats-Unis, qu’elle s’attache à répondre aux questions laissées en suspens. Un déchirement pour les vrais fans, dont nous sommes, de cette série qui tue.

MYRIAM LEROY

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