Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

JEU D’ENFANTS – Une guitare acoustique et une batterie. Il n’en faut pas plus aux Dodos, duo de San Francisco, pour faire bouger les lignes du folk. Brillant.

« The Visiter »

Distribué par Wichita/V2. En concert le 15/08, au Pukkelpop, à Hasselt.

C’est toujours un peu le genre de disques derrière lesquels on court. Ceux qui savent se faire hospitaliers, accueillants, tout en vous faisant voir du pays. C’est précisément le type de « contrat de confiance » que propose The Visiter, deuxième album des Dodos, duo de San Francisco. Un disque sur lequel pleuvent les critiques dithyrambiques depuis sa sortie. A raison. Pour faire simple, on dira que la base est folk. Après ça, vogue la galère.

Au départ, il y a Meric Long, qui cherche la bonne formule. Il a sa guitare et l’infinité de lignes mélodiques qu’il peut en tirer. Mais il a aussi un peu creusé la question rythmique. Elle l’obsède même. Long est notamment intrigué par le gamelan – la fameuse batterie de percussions indonésienne – et a également mis son nez dans les tambours d’Afrique de l’Ouest, par l’entremise d’un ami parti étudier au Ghana. « A partir de ce moment-là, j’ai commencé à entendre les choses d’une autre manière », raconte-t-il en interview. Il croise bientôt la route de Logan Kroeber, batteur plutôt branché sur la musique metal. Du solide donc, qui cogne dur et qui frappe là où ça fait mal. L’alliance entre les deux apparaît contre nature? Pourtant, après de premiers essais, la sauce semble prendre. Un soir, à moitié bourré, Meric Long laisse un message sur le répondeur de Kroeber, lui proposant de le rejoindre en studio où il enregistre son premier disque. Le batteur fera finalement son apparition à la moitié d’une session qui achève de convaincre: oui, il y a bien quelque chose à faire à deux. Un truc à creuser où la mélodie folk se verrait pour une fois guidée par le rythme, et pas l’inverse.

MONTAGNES RUSSES

Les compères quittent donc leur boulot de cuisinier pour l’un, d’imprimeur pour l’autre, et se lancent plus loin dans l’aventure. En expérimentant et tentant l’une ou l’autre figure inédite, mais sans jamais oublier la notion de jeu. Comme chez les White Stripes, la limitation des moyens – batterie, guitare acoustique – semble multiplier les possibilités plutôt que les restreindre: faire le plus avec le moins. Les 6 minutes de Jodi, notamment, en sont un parfait exemple. Le morceau part sur un picking de guitare presque champêtre (prélude), avant de bloquer sur une corde, rejointe par la batterie qui communique bientôt sa frénésie tribale à tout le morceau (l’intrigue), jusqu’à voir la voix déraper en toute fin de parcours, et revenir au point de départ (épilogue). Un grand huit psyché-folk magistral, qui donne juste envie de se remettre dans la file pour refaire un tour.

Il paraît d’ailleurs que les gamins de l’école de South Central, Los Angeles, dans laquelle sont venus jouer les Dodos, étaient ravis, dansant et frappant dans les mains. Un des élèves remettra au duo un dessin pour les remercier: l’£uvre est devenue la pochette de The Visiter. Erreur d’orthographe comprise (le o doit remplacer le e, en anglais). Pouvoir profiter des accidents, c’est aussi une des qualités des Dodos… Evidemment, au bout de l’heure, dense, compacte, que dure The Visiter, on peut se retrouver exténué. N’empêche: l’échappée est belle, la course vivifiante.

Les « lignes » de la musique folk américaine n’en finissent ainsi plus de bouger, ces dernières années. De Devendra Banhart à Akron Family, Animal Collective, récemment Fleet Foxes… Et donc les Dodos, qui sans repeindre complètement la pièce, en bougent assez les meubles que pour revoir le genre d’un autre £il. Bien joué.

www.myspace.com/thedodos

LAURENT HOEBRECHTS

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