Au cinéma comme à la télévision, l’usage des couleurs est de plus en plus créatif. A coups de dominantes, de saturation ou de désaturation de la palette.

Les téléspectateurs qui suivent la série à succès des Experts ont-ils remarqué le soin qu’ont eu les producteurs du feuilleton à fixer une dominante de couleur à chacune de ses trois déclinaisons géographiques. Les Experts: Las Vegas mettant l’accent sur une gamme de bleus alors que ses spin-off (dérivés) successifs Miami et Manhattan adoptent respectivement une palette jaune-rouge-orangée et une autre tendant au vert glauque? Cet exemple parmi d’autres vient réaffirmer l’importance de la couleur et de son usage dans l’identité d’un univers visuel, qu’il s’affiche au grand ou au petit écran. Et ce alors même que le développement des technologies digitales en permet un emploi de plus en plus créatif et contrôlé. Quand les frères Coen présentèrent, voici un peu moins de huit ans, leur film O Brother, Where Art Thou?, ils n’étaient pas peu fiers de dévoiler un procédé tout juste mis au point. Passant par le disque dur d’un très puissant ordinateur, ce processus leur avait permis de travailler les images pixel par pixel, en modifiant les couleurs à leur guise. Les champs de blé sur lesquels la caméra s’attardait volontiers étaient ainsi intégralement « repeints » par Joel et Ethan, même si l’impression d’ensemble en restait assez réaliste…

Nettement moins spectaculaire que la création de monstres en tout genre et de paysages imaginaires, l’utilisation des avancées technologiques offre aux créateurs une liberté visuelle accrue, une latitude très étendue qui ne pourra que plaire à ceux qui ont déjà fait de la couleur une clé de leur expression personnelle.

saturer, désaturer

Steven Spielberg, dans Minority Report, en fit par exemple un usage intéressant, notamment en désaturant certaines couleurs. Il allait aller plus loin encore pour les besoins de la série télé Band Of Brothers. La désaturation des couleurs, l’atténuation de leur éclat jusqu’aux limites parfois du noir et blanc, est une des tendances les plus prisées aujourd’hui. Son absolu contraire, la saturation ou intensification maximale des couleurs, trouve aussi ses adeptes, par exemple chez le Wong Kar-Wai de My Blueberry Nights. Parmi les « saturateurs » marquants se trouvent aussi Baz Luhrmann ( Moulin Rouge) et Pedro Almodovar, grand admirateur du Technicolor flamboyant qu’utilisa Douglas Sirk pour ses mélodrames des années 50.

La riche et rutilante palette du Technicolor, telle que l’employa aussi la comédie musicale hollywoodienne, est une référence très actuelle pour nombre de cinéastes. Mais le grain plus réaliste, plus naturel et aucunement saturé, de la pellicule Eastmancolor dominant le cinéma des années 70, fait aussi rêver les réalisateurs fanas de cette décennie où le 7e art américain se réinventait. Un David Fincher peut ainsi « pousser » les images de Zodiac dans cette direction où aime également s’aventurer Steven Soderbergh. Lequel donna dans le composite Traffic plusieurs illustrations excitantes de gestion des couleurs…

LA CHRONIQUE DE louis danvers

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