FANS DES SIXTIES, DU BIG LEBOWSKI ET DES FLAMING LIPS, LES ANVERSOIS DE BED RUGS ENTAMENT L’ANNÉE AVEC LA SORTIE DE CYCLE. PRÉSENTATION SUR FOND DE TRIVIAL PURSUIT, DE PSYCH FEST ET D’HOMMAGE AUX DUDES…

Une compilation vaut parfois mieux qu’un long discours. Alors qu’on jette un oeil dans les bacs à disques hallucinogènes (Amen Dunes, Selda, Ariel Pink, The Paperhead…) mis en vente à l’arrière du Me & My Monkey, le coffee bar cosy et mélomane ouvert à Anvers par le batteur de Bed Rugs Noah Melis et son père, son multi-instrumentiste de cousin Yannick Aerts tend un petit cadeau. Une copie du triple best of de l’année (hi-fi, lo-fi, sci-fi) qu’il s’apprête à glisser sous le sapin de son oncle. Avec Cycle, disque buvard qui s’écoute les pupilles écarquillées (lire critique page 41), Bed Rugs s’impose définitivement comme le chef de file du peloton psychédélique belge. Il est d’ailleurs le seul groupe du pays à s’être produit dans une Psych Fest. C’était à Liverpoool, en septembre dernier. « Une fille a débarqué et m’a dit: « J’adore ton chapeau, je te l’échange contre une pilule. » Je n’avais pas encore répondu qu’elle avait fourré un truc dans ma bouche et filé avec mon couvre-chef, rigole Noah. Ça résume plutôt bien l’atmosphère. Les gens étaient dingues et heureux. »

Les cinq Dudes anversois y étrennaient leurs nouvelles chansons. Ils ont bossé sur leur deuxième album dans les bâtiments isolés du Trix où ils sont en résidence depuis le mois de mars. « Comment on a décroché ce privilège? En étant géniaux, rétorque Noah d’un sourire malicieux. Trois projets, la plupart anversois, ont cette opportunité chaque année. Ça faisait deux ans déjà qu’on postulait. Et cette fois, ils ont juste frappé à notre porte. Vous voulez répéter au Trix pendant un an? Les lieux sont fermés le dimanche et serrent leurs portes un peu tôt le samedi mais il fallait sauter sur l’occasion. Les places en ville sont chères. Puis, ça te donne accès à tous les concerts de la salle pendant un an. » « Avant, on était installés dans un sous-sol qui prenait la flotte dès qu’il pleuvait un peu trop violemment, embraie Yannick. Le niveau de l’eau ne cessait de monter… Ça commençait à devenir dangereux.  »

Jamais très à l’aise quand il s’agit de tirer des plans sur la comète et de se projeter dans l’avenir, les fans des frères Coen se sont mis la pression, bloquant une dizaine de jours de studio avec Niels Hendrix (Fence) début du mois d’août. La source de motivation dont ils avaient besoin pour se mettre au travail. « Davantage que ses prédécesseurs, Cycle est né sur des claviers, reprend Noah. J’ai acheté un orgue sixties italien d’occasion. C’est un peu comme Leo et Olé: il n’y a que l’emballage qui change. On a presque plus que du matos transalpin, même les guitares: c’est moins cher et ça sonne de la même façon que le meilleur matériel de l’époque. Puis avec Internet et les sites de seconde main, tu peux trouver ces trucs partout aujourd’hui sans te ruiner. »

White Russian

Mis en boîte à Wellen, près d’Hasselt, dans un studio où ont entre autres enregistré Double Veterans, Mauro et Tim Vanhamel, Cycle a été mixé à Austin par Erik Wofford, qui possède à son tableau de chasse des bestioles comme Black Angels, My Morning Jacket, Holy Wave… « On a envoyé un mail. C’est un mec très occupé et on était un peu pressés mais il a fait en sorte que ce soit possible. Will Cullen Hart (de Circulatory System et Olivia Tremor Control, ndlr) était chaud lui aussi. C’était le Graal pour nous. Il a même proposé une version test du mix. On a dû choisir, ça a été douloureux. Nous sommes toujours en contact et c’est un vrai héros pour nous. On sortira peut-être sa version de l’album un jour. On aimerait en tout cas en avoir une copie chez nous, l’exemplaire unique façon Wu Tang. Mais pour l’écouter, vous devriez passer à la maison…  »

Bed Rugs, dont Yorgos Tsakiridis d’Hickey Underworld a rejoint les rangs, a l’esprit de famille et le sens de la communauté. Il a tout logiquement (le nom du groupe est une référence à la carpette du Dude) emmené, déguisé, la première « Big Lebowski Fest belge ». « Outre une projection du film et le concert, il y avait Bart Cannaerts, un humoriste fan du Big Lebowski dont le nouveau spectacle parle de bowling. Super ambiance. En plus, tu avais droit à un White Russian avec ton ticket d’entrée…  »

Dans le même esprit, les Bed Rugs ont organisé une petite soirée Flaming Lips au Trix fin d’année. Au programme: Christmas on Mars, le film de science-fiction tourné par Wayne Coyne dans son jardin et une écoute sur quatre installations (une piste différente par CD) de l’expérimental Zaireeka. « C’est l’un des rares groupes qui n’a cessé de se réinventer. Chacun de ses albums continue de nous surprendre. Wayne Coyne est un phénomène. On en est jaloux. Les Lips étaient underground et ont grandi tout en restant eux-mêmes. Ils sont la preuve vivante qu’un groupe ne se limite pas à une poignée de mecs qui enregistrent de la musique et font des concerts ensemble. »

Mais quoi les Bed Rugs? Sixties ou nineties? « Ce qu’on écoute est la plupart du temps très moderne mais fortement inspiré par les années 60. Il y a une vibe happy et relax qui nous parle. J’aime la musique quand tu peux la lancer et te laisser flotter. Essaie avec les Editors pour voir.  » Bed Rugs préfère le Trivial Pursuit spécial Beatles et les couleurs psychédéliques au pendu et à la noirceur cold wavienne. La pochette de Cycle est l’oeuvre de David Crunelle. « On a repensé à Goat qui avait lancé un appel pour des visuels sur Facebook et on a craqué sur le boulot du même mec. C’est un artiste bruxellois. On a lui a envoyé un message et dix minutes plus tard, il nous répondait qu’on pouvait utiliser gratuitement n’importe laquelle de ses oeuvres. On a été voir son expo Psychedelic Constructivism en se disant qu’on en achèterait bien une. Mais à 2 000 euros, ce sera pour plus tard. Peut-être après l’été… »

RENCONTRE Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content