De The Reader à Chéri, des femmes d’âge mûr s’affichent avec leurs jeunes amants. Tendance?

Il y a eu là pendant longtemps un tabou tenace. Certes, l’Ingrid Bergman de Aimez-vous Brahms?, adapté par Anatole Litvak de Françoise Sagan, se consolait-elle des infidélités de Yves Montand dans les bras d’un jeune Anthony Perkins. Avant que, quelques années plus tard, Anne Bancroft, la Mrs Robinson du Lauréat, de Mike Nichols, ne s’éprenne d’un Dustin Hoffman juvénile, déclinant le thème de la liberté sexuelle sur un mode inédit. L’époque était autre toutefois. Et du reste, passé le définitif Harold & Maude, de Hal Ashby, où un garçon de vingt ans vivait un amour réciproque avec une alerte octogénaire, le cinéma s’empressa, si pas d’y mettre bon ordre, en tout cas de revenir à des figures plus classiques. Exit, les femmes d’âge mûr et leurs amants jouvenceaux. Et retour à un ronron qui, de L’Amant à American Beauty, en passant par tant d’autres, verrait des hommes dans la force de l’âge s’éprendre de lolitas en puissance, sans que grand monde n’y trouve quoi que ce soit à redire…

Catwoman et les Cougars

Les tabous étant faits pour être brisés, voilà toutefois que les films gommant le fossé générationnel au féminin se multiplient sur les écrans. Encore fallait-il que le premier de la série s’intitule Chronique d’un scandale, celui d’une professeure – la toujours lumineuse Cate Blanchett – s’éprenant de l’un de ses élèves. Sans qu’on l’ait vu venir, c’était là pourtant le lancement d’une tendance: de The Reader à Chéri, de Kate Winslet à Michelle Pfeiffer, les femmes d’âge mûr s’affichent avec leurs jeunes amants comme rarement auparavant, inversant joliment, et dans des films majeurs encore bien, le prisme des relations amoureuses à l’écran. Et ce, même si l’exercice a parfois ses limites: démonstration par l’absurde avec The Curious Case of Benjamin Button, où la différence d’âge se mue en fossé infranchissable – mais c’est là, il est vrai, une autre histoire.

Souvent assimilé à un miroir du monde, le cinéma ne fait sans doute que refléter, dans cet élan inédit, ce qui ressemble de plus en plus à un phénomène de société. Un rapide coup d’£il sur la toile suffit d’ailleurs à s’en convaincre, où les sites dédiés aux Older Women Dating Younger Men pullulent désormais – on les désigne, pour info, par le terme Cougars (n’allez pas chercher ailleurs l’origine du Cougar Club, de Christopher Duddy, où l’on retrouve Carrie Fisher et Faye Dunaway). Au fait, qu’inspire cette appellation à Michelle Pfeiffer? « Vous ne pouvez pas savoir combien je déteste ce terme, avec le côté prédateur qu’il suppose. » Si c’est Catwoman qui le dit… l

LA CHRONIQUE DE jean-françois pluijgers