Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

ECRANS DE FUMéE – Souvent tabou désormais, le tabac a su nourrir le cinéma d’images marquantes, contribuant à ses mythologies les plus populaires.

De Adrien Gombeaud, chez Scope éditions. 128 pages.A l’heure où l’interdiction de fumer dans les lieux publics s’étend, le cinéma ne pouvait rester extérieur au mouvement général de nos sociétés. Nombreuses sont les compagnies de production qui bannissent de leurs films pipe, cigare et cigarette. Chez Disney, l’interdiction pourrait même devenir totale. Dans ce contexte, l’apparition d’un fumeur non repenti dans un film se remarque, et peut même faire figure d’acte quasi-rebelle!

Fumer à l’écran, une forme de transgression? Quelle ironie en fait, sachant à quel point l’imaginaire cinématographique et la fumée de tabac furent étroitement associés. Un bon bouquin vient utilement rappeler la chose et ses riches variations. Adrien Gombeaud, l’auteur, est journaliste au quotidien économique Les Echos et membre de la rédaction de l’excellent mensuel de cinéma Positif. Sa mémoire, tout comme celle de beaucoup d’entre nous, est marquée – entre autre et chronologiquement – par le cigare de Groucho Marx, la cigarette d’Humphrey Bogart, la pipe de Jacques Tati/Monsieur Hulot et le cigarillo de Clint Eastwood dans la trilogie westernienne de Sergio Leone. Dans un style direct et efficace, le critique et historien français revient sur ces images marquantes et sur une foule d’autres tout aussi significatives. Son ouvrage se lit avec plaisir autant qu’intérêt.

DE L’AVENTURE AU CHARME

Le livre s’ouvre sur une image de John Ford, cigarette au bec, et sur un court extrait d’une interview du maître.  » John Ford, allez-vous au cinéma?  »  » Jamais. »  » Pourquoi?  »  » Parce qu’on ne peut pas fumer.  » Ajoutée à la trogne de vieux pirate, bandeau sur l’£il y compris, du réalisateur de La Prisonnière du désert, cette page annonce la couleur un tantinet révolté d’un texte faisant d’emblée la part belle aux fumées subversives. Federico Fellini et James Dean, mais aussi David Lynch et Asia Argento sont convoqués dans un chapitre II où à l’odeur de tabac se mélange celle du soufre, et où pointe évidemment le cigare ô combien symbolique de Bonnie Parker (merveilleuse Faye Dunaway) dans le Bonnie And Clyde d’Arthur Penn. Western, polar, film de guerre et d’espionnage étant – entre les scènes violentes – éminemment propices à la consommation tabagique, une importante partie du livre leur est consacrée. Un très intéressant chapitre social explore les différents aspects de la cigarette selon qu’elle est fumée par la classe laborieuse ou par les dandys décadents. Mais le plat de résistance est bien, de manière attendue, la plongée dans les rapports entre tabac et séduction, Eros et Tabacos (comme l’écrit Gombeaud d’amusante façon). Les figures de vamps et autres femmes fatales défilent alors, qu’aucune interdiction ne pourra jamais empêcher de marquer de leur sceau sensuel la mémoire cinéphile…

LOUIS DANVERS

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