Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

AVEC SON 3E ALBUM, L’AMÉRICAIN PERFUME GENIUS OFFRE DE NOUVELLES PISTES À SON CROONING QUEER. PLUS SOPHISTIQUÉ MAIS TOUJOURS AUSSI JUSTE.

Perfume Genius

« Too Bright »

DISTRIBUÉ PAR MATADOR.

8

Dans une carrière, certains disques resteront toujours plus importants que d’autres. Il ne faut pas attendre longtemps pour comprendre/entendre que Too Bright est de ceux-là. Après deux albums déjà prenants, Learning (2010) et Put Your BackN 2 It (2012), Perfume Genius, alias Mike Hadreas, vient de sortir un disque-clé. Sinon son magnum opus, en tout cas le genre d’albums qui le rend désormais possible, redéfinissant son auteur, lui donnant une autre envergure.

Il y a quatre ans, Mike Hadreas déboulait en mettant son coeur, ses tripes (et son sexe) sur la table. Un poil autiste, enregistré avec les moyens du bord, Learning racontait des histoires d’amour gay troublées, voire contrariées, de suicide… Des torch songs précieuses, maniérées mais pas trop, filées essentiellement au piano. Le genre de morceaux qui auraient pu se réduire à des chansons-confessions insulaires, s’ils ne possédaient une envergure mélodique à même d’accrocher et de troubler le plus grand nombre. Deux ans plus tard, Put Your Back N 2 It confirmait, et le talent, et l’option dépouillée prise par Perfume Genius, même si elle n’était plus la seule. A certains égards, Too Bright reste encore fidèle à cette ligne de conduite. Il débute d’ailleurs de la manière la plus « sobre » qui soit: I Decline installe sa dramaturgie en ne s’appuyant que sur quelques touches de piano et un glissando lointain.

Format court

Dès le single Queen, Perfume Genius donne cependant une nouvelle épaisseur sonique à ses marottes musicales. L’humour pince-sans-rire du bonhomme -dont l’homosexualité est au coeur du propos, sans en faire pour autant un étendard- fait mouche: « No family is safe/When I sashay » (« aucune famille n’est en sécurité, quand je me balade dans la rue en me tortillant« ). Fool enchaîne et se pose comme l’un des morceaux de bravoure. Une sorte de ballade soul bizarrement construite, introduite par un synthé 80’s, où le refrain classiquement posé au milieu est remplacé par une béance abyssale, la dépression avant le retour au calme. A l’image du reste du disque, tous les éléments tombent ici au bon moment, au bon endroit -ce qu’on appelle la justesse.

Réalisé notamment avec l’aide de John Parish (PJ Harvey…) et surtout Adrian Utley (Portishead), Too Bright a ses moments plus « expérimentaux »: My Body aurait pu par exemple se retrouver sur Third, tandis que I’m a Mother passe pour une version new wave tordue d’un requiem baroque, et que Grid sonne presque « industriel ». Alternant avec les prises plus directes et lumineuses (Don’t Let Them In, No Good), Too Bright ne cherche pas forcément à impressionner. Adepte des albums courts, Perfume Genius ne s’étale d’ailleurs ici que sur une trentaine de minutes. Cela suffit cependant pour marquer les esprits. Et montrer qu’il ne faut pas forcément grossir la production, ou arrondir les angles, pour prendre de l’ampleur.

EN CONCERT LE 14/11, AU DEPOT, LOUVAIN.

LAURENT HOEBRECHTS

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