Jeunes barjots d’Atlanta, les Black Lips font revivre le rock garage sixties. Good Bad Not Evil, clame le titre de leur quatrième album studio. Rencontre à New York.

Les Black Lips jouissent d’une sulfureuse réputation. Les Black Lips sont incontrôlables. Il leur arrive de vomir sur scène, de se dénuder, de jouer de la guitare avec un instrument que Pierre Perret appelle « zizi ». Pas vraiment surprenant que de nombreuses salles de concerts les aient placés sur leur liste noire aux Etats-Unis.

« A vrai dire, on était même bannis du Music Hall of Williamsburg où on joue ce soir. Sans doute parce qu’on avait pissé n’importe où et volé quelques bières », rigole le bassiste Jared « Hondo » Swilley, dans le quartier new-yorkais des artistes. « Tout ça appartient désormais au passé. On s’est calmé. Et vous savez comment ça marche. Maintenant qu’on rencontre un peu de succès, on est à nouveau les bienvenus partout. »

« Vous avez un peu de temps? On doit encore s’occuper du soundcheck, » demande, avenant, son comparse Cole Alexander. En attendant, on s’installe dans les loges avec les quatre fêlés d’Atlanta. Quatre mecs qui n’ont rien d’effrayant.

Affalés dans le fauteuil, on parle football, New York, bière et rock. Jared, le moustachu de la bande, joue avec son GSM. Il doit passer commande. Cherche un peu de « shit » pour la soirée. « Un pote à moi travaille dans une boîte de livraison, explique-t-il. Ils ont une dizaine de scooters qui circulent et honorent les commandes dans New York. Paraît même qu’ils ont pour cliente l’une des héroïnes de Sex and the city. « 

Un quart d’heure plus tard, le téléphone sonne. Le bonhomme est déjà à la porte du bâtiment avec un petit sachet.

« T’as vu notre dernier concert à Bruxelles? », questionne Ian, allongé sur un divan, en nous montrant une énorme cicatrice. « Je me coupe assez régulièrement de manière superficielle mais au Re- cyclart, je me suis planté du verre dans la main. J’ai perdu connaissance et quand je me suis réveillé, j’avais dix points de suture. Je garderai à jamais un souvenir de la Belgique. »

MêME PAS PEUR…

Les Black Lips sont des « rock trotteurs ». Ils ont joué partout. Dans des jardins, des salons… En Israël et en Palestine. « Des gamins juifs nous ont invités via Myspace. Mais vu la situation merdique dans la région, nous voulions donner des concerts de part et d’autre du mur« , reprend Jared. « Comme il n’y a pas de salle en Palestine, nous avons joué dans la rue. Les mecs ne boivent pas d’alcool. Ils nous ont fait du thé… Nous n’avons volontairement pas parlé politique. Nous cherchions à divertir. Je suis emmerdé pour les gosses qui doivent grandir là-bas. A Tel-Aviv, un mec m’a demandé de laisser mon flingue à l’entrée de la salle. Je pensais qu’il déconnait. Pas du tout. Plein de kids sont armés. »

Les quatre lascars n’ont pas froid aux yeux. Ils ont été jusqu’à enregistrer un live dans un bar de prostituées à Tijuana.

« J’ai grandi avec Joe et Cole », retrace Jared. « Nous avons été à l’école ensemble. Ados, Cole et moi jouions dans un groupe. Il s’appelait The Renegades . Sonnait comme du Black Lips mais en plus pourri. Disons punk. On a rencontré Ian plus tard en allant à des concerts. Ce qu’on avait en commun? Le skate surtout. Puis la musique. Maintenant la planche à roulette bai-gne surtout dans le hip-hop, mais à l’époque, elle était très punk. J’ai toujours aimé les Beatles, les Stones. Puis j’ai flashé sur les Germs. On s’est mis à se saouler la gueule en écoutant Black Flag avant de s’intéresser à la musique sixties. Notre plus grande influence, c’est la série de compilations garage Back from the grave et le premier 13th Floor Elevators. »

Les Black Lips semblent plus calés encore en musique qu’en excès. « On aime la musique sudiste. Le blues, la country… Ils ont inventé les structures utilisées dans la pop d’aujourd’hui. Il y a toujours eu beaucoup d’immigrants venus du monde entier qui se sont installés dans cette région pauvre. Tout ce qu’ils pouvaient faire sans un sou, c’était chanter. Chanter leur désespoir. Les quintes, les emmerdes, les problèmes, ça aide à faire de la bonne musique. Regarder sur quoi le punk a émergé…  »

losing my religion

En 2002, les Lips ont survécu à la mort de leur guitariste Ben Eberbaugh décédé dans un accident de voiture. En 2007, ils étaient désignés « the hardest working band at the South by Southwest festival » où ils avaient joué une douzaine de fois en trois jours.

S’ils n’étaient devenus musicos, ils se seraient bien vus éboueurs, profs de physique, catcheurs… « Mon père est prêtre mais je n’ai pas chanté à l’église bien longtemps« , avoue Jared. « Pour moi, le rock doit être fun. Comme le sont The Penetrators, The Spits, Kim Fowley… « 

Les Géorgiens ont aussi quelque chose en commun avec The Brian Jonestown Massacre, associés aux Dandy Warhols dans un rockumentaire déjanté. Et pas seulement le goût du psychédélisme. « On va avoir notre Dig! Un mec réalise un reportage sur la scène d’Atlanta. On a toujours filmé nos aventures. On n’est pas aussi diaboliques que les gens le pensent. « 

Les quatre gugusses viennent d’ailleurs de lancer leur hotline. Si vous avez des problèmes, besoin de conseils ou si vous vous sentez terriblement seuls, vous pouvez les joindre au numéro américain 949-836-7407. « Nous avons un nouveau téléphone et vu que nous ne savions pas quoi en faire, nous avons eu l’idée d’ouvrir cette ligne, » commentent-ils sur leur blog. Allô? Il y a quelqu’un?

u Good Bad not Evil distribué par Vice Records/Pias. u www.myspace.com/theblacklips u A l’AB Club le 13 avril (Domino).

TEXTE JULIEN BROQUET

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