Space cake

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SUR SON TROISIÈME ALBUM, LE RAPPEUR-ACTEUR CHILDISH GAMBINO PIOCHE DANS LE FUNK-SOUL SEVENTIES LES RECETTES D’UN BRILLANT COCKTAIL RÉTRO.

Childish Gambino

« Awaken, My Love! »

DISTRIBUÉ PAR CAROLINE.

7

La vie est trop courte pour ne taper toujours que sur un seul et même clou. C’est probablement ce que doit se dire Childish Gambino. Acteur, scénariste, producteur, Donald Glover de son vrai nom a démarré dans le stand-up, avant de se retrouver à l’écriture de la série 30 Rock (dans laquelle il a également joué). Il enchaînera avec Community et officie, depuis la rentrée, sur Atlanta. Créé par ses soins pour la chaîne FX, le show est centré sur le parcours de deux cousins qui tentent de percer sur la scène rap locale. Glover en connaît un bout sur la question: sous le nom de Childish Gambino, il a en effet sorti lui-même plusieurs mixtapes et publié déjà deux albums studio. Là aussi boulimique, il a l’art de tout prendre en main (ou presque): il se retrouve aussi bien à l’écriture qu’à la production (avec son camarade suédois, Luwig Goransson) et derrière le micro. La bougeotte est aussi musicale. Ses deux premiers disques ont chacun leur propre personnalité. Sur le nouveau Awaken, My Love!, c’est carrément une nouvelle direction qu’a prise Gambino.

Coup de bluff

L’album démarre ainsi par un coup de force: après une intro qui sonne presque comme une berceuse, portée par des choeurs féminins angéliques, Me and Your Mama est allumée par des riffs de guitare acides, Gambino déboulant en chat écorché gospelisant. L’incendie ne dure pas: à deux minutes du terme, le morceau s’éteint doucement, jazzy, planant. Impeccable. Le titre donne en outre le ton du disque. Décomplexé, libre, et surtout obsédé par les seventies. Né en 83, Glover ne les a pas connues, mais il en a bien retenu la leçon. Notamment celles données par l’équipage p-funk de Parliament/Funkadelic de George Clinton (Have Some Love, Boogieman). Dans Zombies, il partage même les crédits avec les modèles -on n’est jamais trop prudent. Quitte à namedropper les influences rassemblées ici, on peut encore citer Sly & The Family Stone, Shuggie Otis, Stevie Wonder… Tous étant mobilisés pour participer à un disque qui planque ses rares faiblesses derrière un sens du collectif assez réjouissant.

Bien sûr, Awaken, My Love! n’échappe pas complètement ici et là à l’exercice de style. C’est d’autant plus vrai que Childish Gambino est d’abord connu comme un acteur: dans quelle mesure se contente-t-il ici de jouer un rôle de plus? Si c’est le cas, il est en tout cas particulièrement crédible, même quand le rappeur se fait pour l’occasion chanteur. Sur l’excellent single Redbone, Glover manie par exemple le crooning funk avec ce qu’il faut de légèreté et de fausse onctuosité, légèrement acidulée. Ici, comme sur le reste de l’album, il ne fait rien pour cacher le revival. Mais, suivant l’exemple de certains de ses collègues (Anderson. Paak, ou même Bruno Mars), Childish Gambino ne tombe jamais dans la parodie, évitant de se prendre les pieds dans le tapis rétro. Mieux: au plus il expose son parti pris, au plus on l’oublie. Un coup de bluff certes, mais surtout une vraie réussite.

LAURENT HOEBRECHTS

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