Sous les galets, la plage

Si le titre fait référence au plus célèbre slogan de Mai 68, on est encore loin de la révolution. Fin de l’été 1963 à Loctudy, petit village de la côte bretonne, Francis, Édouard et Albert sont enfin libérés de l’autorité parentale. Ils vont passer les dernières semaines de vacances entre amis. Ce privilège, ils le doivent à leurs 18 ans et à la fin de leur scolarité. À la rentrée, ils intégreront la fac de droit pour l’un, une école de commerce pour l’autre et Saint-Cyr pour Albert, sur les traces de son papa colonel. Mais un trop joli grain de sable va s’introduire dans cette mécanique huilée. Il a pour nom Odette, ou peut-être Juliette. Elle n’est ni farouche ni pudique, est en vacances permanentes et passe son temps dans des activités réprimées par la loi. La bande dessinée de Pascal Rabaté emprunte à la poésie. Celui-ci est passé maître dans l’art de suggérer les émotions et les sensations par son sens du découpage et son économie de dialogues. Cela donne un rythme particulier à la lecture, devenant la marque de fabrique de l’auteur. Si elle n’atteint pas le sommet qu’était Les Petits Ruisseaux, la présente histoire n’en est pas moins délicieuse. Elle fait s’entrechoquer deux mondes opposés -les traditionnalistes et les modernes-, dans un conte cruel d’émancipation. Albert au contact d’Odette/Juliette découvre un univers insoupçonné fait de sexe et de liberté loin du voussoiement parental. Cela lui permet également de découvrir ce qui se cachait derrière la façade de respectabilité de sa vie antérieure. Les couleurs passées évoquent ces vieilles photographies jaunies achevant de nous plonger dans cette France endormie qui refuse d’entendre le bruit des fusils en Algérie mais s’apprête à recevoir des pavés sur la gueule.

Sous les galets, la plage

De Pascal Rabaté, éditions Rue de Sèvres, 144 pages. Parution le 17/11.

7

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content