Soul power!

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Le “Woodstock noir” a droit à un coffret exhaustif, reprenant les prestations des vedettes du label Stax. Passionnant!

C’est l’un des moments-clés de l’Histoire de la musique afro-américaine -et de la culture pop en général. Le 20 août 1972, le festival Wattstax attirait plus de 110 000 personnes au Los Angeles Memorial Coliseum, mythique stade la ville.

Organisé dans le cadre du Watts Summer Festival, commémorant les événements de 1965 -durant cinq jours, le quartier noir de Watts fut la proie d’émeutes, faisant 34 morts-, le mégaconcert rassemble alors les vedettes de Stax, label-phare de la musique soul. Dès le lendemain, les médias parlent du Woodstock noir. L’analogie sera prolongée avec la sortie, un an plus tard, d’un film. Mêlant concert et images du ghetto, le docu intégrera même en 2020 la Bibliothèque du Congrès et sa liste des “œuvres significatives du point de vue culturel, historique et esthétique”.

Le festival aura évidemment droit également à son témoignage sous forme de disques. Mais de manière fracturée -un premier double live en 1973, suivi d’un deuxième en 1974, complétés par une B.O., etc. Avec Soul’d Out: The Complete Wattstax Collection (six CD, dix LP), voici donc pour la première fois rassemblées toutes les pièces du puzzle.

Bref rappel des faits. En 1972, Stax n’est plus la petite maison de disques de Memphis. Malgré la disparition de sa principale vedette, Otis Redding, en 1967 dans un accident d’avion, Stax a réussi à se relever. Et même à s’étendre, jouant des coudes avec sa principale “concurrente”, la Motown. L’ambiance aussi a évolué. Au départ, le label de musique noire, fondé par des Blancs, est une anomalie dans un Sud gangréné par la ségrégation. Las, à la fin des années 60, l’assassinat de Martin Luther King a sonné le glas de l’utopie rassembleuse. Y compris au sein du label -“c’est devenu bizarre, raconte le trompettiste Wayne Jackson, (…) tout à coup, les gens remarquaient qu’on était blancs” (dans la somme Sweet Soul Music, de Peter Guralnick). Et Stax de se profiler désormais davantage sur la cause noire.

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Le 20 août, ils sont donc tous présents: de Carla Thomas à Eddie Floyd en passant par les Bar-Kays, The Staples Singers (photo) ou bien sûr Isaac Hayes, qui fête ce jour-là ses 30 ans. Sold’Out: The Complete Wattstax Collection prend le pli de rester le plus fidèle possible aux événements. En ce compris les interludes, au cours desquels intervient par exemple le révérend Jesse Jackson (dont la voix sera samplée plus tard par Primal Scream). On entend également Isaac Hayes recommencer Shaft, après des problèmes techniques, tandis qu’en intro, la Salvation Symphony de Dale Warren se déploie dans son intégralité (près de 20 minutes!). Sont également inclus les enregistrements des concerts, souvent jubilatoires (voir la prestation de Mel & Tim), donnés aux mois de septembre et octobre suivants au Summit Club, dans la foulée du festival. Captivant.

Par la suite, les choses vont rapidement se gâter pour Stax qui, emportée par sa folie des grandeurs, fera faillite en 1975. À cet égard, le festival de Watts constituera un sommet pour le label. Comme pour la musique soul en général.

Divers

Soul’d Out: The Complete Wattstax Collection

Distribué par Craft.

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