Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ALIVE AND KICKING – Star aujourd’hui planétaire, Snoop Dogg sort un 9e album épatant. Sur les conseils de son nouvel ami David Beckham, le rappeur joue la passe à 10 (funk, pop, country…).

Distribué par Geffen/Universal.

C’est une des grandes énigmes actuelles: comment se fait-il que Snoop Dogg, né Calvin Broadus en 1971, soit toujours là? Non seulement vivant – alors que de nombreux et parfois proches « collègues » n’ont pas eu cette chance -, mais également encore et toujours au sommet. Appelez-le Snoop l’incruste: invité sur la moitié des albums de rap sortis ces dernières années, et ne laissant jamais lui-même plus de deux ans entre chacun de ses albums. Mieux: ils ne sont pas légion à avoir comme lui sorti leur premier numéro un dans les charts ( Drop It Like It’s Hot, monumental carton hip-hop cubiste de 2004), plus de 10 ans après leur premier album (le déjà emblématique Doggystyle). Bref, tout cela pour écrire que sous sa diction paresseuse, Snoop ne lâche rien.

A vrai dire, lui-même semble parfois le premier surpris. Sur le morceau Neva Have 2 Worry, il se rappelle: « J’ai nagé parmi les requins/J’ai bien failli me noyer », et de continuer: « Qui aurait cru que j’arriverais jusqu’ici. » Le titre se retrouve sur le tout frais Ego Trippin, neuvième album du bonhomme. Et assurément l’un de ses meilleurs. Son rang de superstar solidement établi, le respect unanime de ses paires acquis, l’âge aussi… Snoop s’est bien rendu compte qu’il serait stupide de ne pas profiter de la liberté que lui assure son statut actuel. « Jusqu’ici, je vous ai fait délirer. J’aimerais maintenant vous faire pleurer », a-t-on notamment pu lire dans la presse américaine . Quitte à aller voir au-delà du hip-hop ? « Je voudrais juste devenir le Marvin Gaye du rap. » Euh, on n’y est pas encore tout à fait. Cela dit, la pochette a beau jouer sur les noirs et blanc, jamais peut-être Snoop Dogg n’aura autant élargi sa palette de couleurs. Tantôt pop ( Deez HollywoodNights), bounce ( Ridin’ In My Chevy), minimaliste ( Sets Up, produit par les Neptunes), gospel aussi ( Can’t Say Goodbye), voire réminiscences années 80 (le disque a été mis en boîte par Snoop himself, DJ Quik, et Teddy Riley, roi du New-Jack, version eighties du r’n’b actuel)… Un grand mix donc.

WALK THE LINE

Tant mieux pour les contrastes, voire les contradictions, Snoop Dogg jouant à la fois son numéro habituel de gangster, de séducteur macho et de père de famille. Un vrai numéro d’équilibriste. Ce qui lui permet ses grands écarts? Son flow unique, nonchalant et nasillard. Son humour aussi: si Calvin Broadus n’a jamais dû forcer pour donner de l’épaisseur (traduisez de la crédibilité) à son personnage, il a aussi fait de Snoop Dogg un fantasme, un personnage outrancier. Il faut ainsi absolument jeter un £il sur son dernier clip, entre kitsch et classe suprême. Sexual Eruption, c’est le nom du morceau, est d’ailleurs un des sommets du disque. « Pour savoir si un titre fonctionnera en radio, il suffit de le tester d’abord dans les clubs de strip-tease », expliquait récemment celui qui a produit son propre film X. Pour le coup, cela a parfaitement fonctionné. Nappes de claviers lascifs, voix de Snoop chantant sous vocoder, beat humide: le rappeur de Long Beach est dans le lupanar, tout baigne. Il y est à la fois Rick James, Bootsy Collins, Michael Jackson, et Prince bien sûr. En regardant dans le rétro, Snoop reprend d’ailleurs dans la foulée le Cool qu’avait pondu son altesse Roger Nelson pour Morris Day et The Time, en 81.

Mais la plus grosse surprise arrive encore un peu plus loin. Avec My Medicine, on a en effet droit à un morceau… country. Cette grande tige noire de Snoop au pays des cow-boys: on aura tout vu, tout entendu. Le titre est en fait un hommage, réussi, à feu Johnny Cash, présenté par le rappeur comme le « vrai gangster américain ». Entre gens du métier, on se comprend…

u www.snoopdogg.com

LAURENT HOEBRECHTS

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