Sliimy est la surprise du printemps pop: un million de couleurs qui floutent une mélancolie talentueuse. Et une gay attitude où la chanson est aussi une thérapie pour briser la solitude de l’enfance.

L’hôtel de l’interview est blanc, c’est un concept. Il tranche avec l’album surcoloré de Sliimy, Paint Your Face (Warner), nouvelle sensation post-ado/gay sortie inopinément de la scène MySpace. Gros buzz et ventes prometteuses de l’album en Belgique, 2 500 copies en moins de deux mois. La sliimisation gagne du terrain. Jusqu’aux chauffeurs de taxi de la gare du Midi qui reconnaissent, enfin presque, l’animal qui s’appelle comment encore? Pas Mika: Sliimy. Surnom réaliste ( étroit) donné à ce gamin malingre qui aura vingt et un ans en septembre. De son vrai nom, Yanis Sahraoui, il a grandi dans un modeste milieu marocain à Saint-Etienne, ville durablement marquée par la crise des années 70 alors que les Verts de Platini trouvaient de glorieux accents vengeurs sur les terrains européens. Sliimy arrive dans une autre crise économico-sociale où la morale commune s’interroge sur notre propre capacité à survivre. D’où la réception favorable aux couleurs chaudes d’un garçon maniéré qui s’inscrit dans une acceptation plus large de la norme gay. Entre les poses maquillées d’Empire Of The Sun et l’éternel retour des Pet Shop Boys, le coming out d’un ministre français et les révélations idoines d’Elio di Rupo, l’acceptation de l’homosexualité déborde le cadre strictement artistique. La réalité nous rappelant quand même l’intolérance viscérale de certaines fractions face à la gay attitude: ainsi balader Sliimy même sobrement fringué – aujourd’hui, veste papy, colifichets aux poignets, t-shirt maculé de rouge – dans les rues populaires de, disons, Moscou (1), pourrait bien s’avérer une aventure périlleuse. Mais là, nous sommes à Bruxelles, bourgeoisement installés face à Sliimy, articulé et souriant. Et, effectivement, très gay.

Sur le disque, la qualité de ton accent anglais est plutôt remarquable!

Jeune, j’ai écouté énormément de musique anglaise sans doute par besoin de m’évader de ma solitude, de trouver une sorte d’exutoire. Ecrire en anglais, c’est une forme de remerciement envers cela. J’étais très réservé et puis grâce à mes profs de musique, j’ai écouté les Beatles, Elton John, Freddie Mercury, David Bowie.

Gay connexion?

Je ne sais pas, peut-être… c’était un moyen de me libérer. De fuir le regard des autres, d’éviter d’être mis à l’écart, ce qui est une forme de rejet. J’ai eu envie de faire cette remise en question en musique et les chansons sont une forme d’auto-thérapie. Mais cela se gère, maintenant tout va bien! C’est drôle de prendre les choses de manière ludique, désintéressée, légère: la musique permet cela!

Dans Magic Game, tu chantes  » You said I’m gay but I’m cool/Maybe anorexic but look at you« …

C’est une façon ironique de saisir le discours des gens nourris d’a priori et de clichés. C’est mon côté taquin même si Saint-Etienne n’est pas pire que d’autres villes. Quand on voit comment Polnareff – qui n’était pas gay – s’en est pris plein la gueule à cause de son allure ( ndlr: dans les années 60, Polnareff a les cheveux longs et le torse malingre), c’est basé sur des clichés et je trouve cela petit…

Il y a quelques semaines, sur le plateau de l’émission de Ruquier, tu étais presque militant gay!

Je n’ai pas envie d’être un porte-drapeau même si je ne vois pas le problème de l’être. La vraie question est  » Pourquoi me pose-t-on la question de la gay attitude« ?

Parce qu’on se demande à Focus si le rock est un facteur de meilleure intégration?

La musique permet de se détacher de toutes les choses, c’est assez libérateur.

Nous réserves-tu un retournement de situation à la Bowie, bisexuel devenu père de famille, et pour l’instant, homme au foyer?

Me marier et avoir des enfants, pourquoi pas, on n’est jamais sûr à cent pour cent, en tout cas, je sais ce que je suis aujourd’hui!

Le succès aide-t-il à être reconnu et accepté par l’entourage, la famille?

Ma famille m’a vu grandir comme je suis aujourd’hui: tant que je suis heureux et profite de ma musique, ils sont fiers! Dans la rue, les gens viennent vers moi pour me parler de ma musique, moins par rapport à ce que je suis. On n’apprécie pas la musique pour la sexualité de son auteur, si j’aime Bowie ou Boy George, c’est pour leur talent…

Tu te sens embarrassé par ces questions?

Non, pas du tout, parce qu’il y a encore énormément de personnes qui souffrent de leur homosexualité mais l’acceptation passe aussi par un travail sur soi-même, sur le temps. Aujourd’hui, curieusement, j’ai l’impression que l’opinion se coupe en deux: d’un côté, les gens ouverts d’esprit, de l’autre, des attitudes plus violentes. J’ai envie de dire que c’est le respect qui compte… Sur mon blog, je reçois pas mal de courrier de jeunes gays qui me disent que ma musique leur fait du bien.

Dans Mum, tu adresses une lettre d’amour à ta mère disparue…

C’est sorti d’une impro dans le home studio de mon pote à Saint-Etienne, ma mère m’a beaucoup inspiré et c’est vraiment une forme de déclaration d’amour, d’hommage, de remerciement, pas triste mais plutôt nostalgique, mélancolique,

La mélancolie?

Dans ce disque, j’ai voulu me recréer une enfance et la mélancolie en fait partie. See U Again ou Mum montrent mon besoin de me raccrocher à cet esprit-là. Peut-être ferais-je un jour un album entièrement sur ce ton mélancolique…

(1) allusion aux pratiques gay-bashing des skinheads des pays de l’Est.

Entretien Philippe Cornet

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