SPERMATOZOIDE PARK – Nick Hornby signe une comédie sociale désopilante sur les accrocs de l’adolescence . Tous publics.

De Nick Hornby, éditions Plon, 289 pages.

Nick Hornby est un personnage éminemment sympathique. A l’image de ses livres qui vous regardent droit dans les yeux et vous disent sur un ton détaché des vérités sur des vies qui vous sont étonnamment familières. Drôles, ses confidences ne sombrent jamais dans le graveleux. Et évitent soigneusement la caricature ou le jugement péremptoire. Hornby pratique la compassion mais sans se forcer, sans vous présenter la note avant même de commencer. Une forme d’humilité caustique qui irrigue également son style. Enrobée d’humour et d’une bonne couche d’autodérision, sa prose fond sur la langue comme un caramel mou.

Après avoir composé la bande-son de la quarantaine mal digérée – le best-seller et non moins indispensable Haute fidélité -, s’être glissé dans la peau d’une femme au bord de la crise de nerf – La bonté, mode d’emploi -, le voilà qui s’attaque, avec Slam, à une autre pièce coriace du puzzle intime: l’adolescence. Toujours avec la même recette qui consiste à extraire les ingrédients du quotidien le plus banal et à les saupoudrer d’une pincée d’ironie bienveillante pour en faire jaillir le suc sous forme de fable douce-amère.

Pas d’équivoque. Le slam dont il est question ici ne se déclame pas d’un air grave avec un orchestre au chômage. Dans le langage des skateboarders, l’expression signifie se prendre une gamelle. Au sens propre ou, comme ici, au sens figuré. Tout commence pourtant bien pour Sam, ado de 15 ans qui en pince grave pour Alicia. Le coup de foudre est réciproque. Et l’affaire promptement emballée en dépit des mises en garde de la mère du jeune Don Juan sur le fait  » qu’un accident est si vite arrivé« . Et elle sait de quoi elle parle, elle qui s’est retrouvée en cloque à 16 ans…

Y aurait-il une forme d’hérédité de la poisse? Toujours est-il qu’au moment où Sam s’apprête à rompre – à cet âge-là, les passions s’effacent plus vite que les boutons d’acné -, Alicia lui annonce qu’elle est enceinte et bien décidée à garder l’enfant. Et voilà comment un geste banal transforme et scelle prématurément une existence. Son confident, un poster du champion de skate Tony Hawk avec lequel il a l’habitude de dialoguer, ne peut pas grand-chose pour lui sur ce coup-là.

TEEN SPIRIT

Un doigt d’argot, une larme de culture hip-hop, Nick Hornby plonge le cerveau de cet ado en perdition dans une décoction rafraîchissante et enivrante. Au passage, il rappelle le drame de la grossesse précoce, véritable épidémie en Grande-Bretagne. Moins grave mais tout aussi crédible qu’un Gus Van Sant, l’auteur cerne avec justesse cet âge ingrat et chahuté de l’entre-deux dans une fresque balayée par les embruns pop. Au confluent du portrait psychologique et de la satire sociale, le récit tangue mais tient bon. Comme Vous descendez?, son précédent roman, Slam bénéficie d’une construction originale et maîtrisée, reposant sur un art consommé du flash-back inversé. Sam se réveille en effet parfois dans le futur, pour le meilleur et surtout le pire. Si le récit gagnerait à être un peu plus corsé, moins tendre, il est souvent drôle et toujours spirituel. Du Hornby pur jus en somme.

Reste cette question: à qui est destiné ce roman? Aux ados ou aux adultes? A tous même si l’éditeur français a décidé de le publier dans une collection « adulte », contrairement à la version originale. Les teenagers les plus réfractaires à la lecture devraient pourtant y trouver leur compte. Et s’amuser de voir leur immaturité encombrante se refléter dans ce miroir pas si déformant…

LAURENT RAPHAëL

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