Avec Rachel, la cinéaste enquête sur la mort de Rachel Corrie, jeune militante pacifiste américaine écrasée en 2003 par un char israélien dans la bande de Gaza.

C’est l’histoire de Rachel Corrie, militante pacifiste américaine de 23 ans, partie dans la bande de Gaza armée de son seul idéalisme, pour y trouver la mort sous les chenilles d’un bulldozer israélien, le 16 mars 2003, alors qu’elle tentait de s’opposer à la destruction d’une maison palestinienne. Quelques lignes dans les dépêches d’agences, un bulletin aux infos et Rachel en aurait sans doute rejoint beaucoup d’autres dans l’anonymat des victimes du conflit israélo-palestinien, si la réalisatrice Simone Bitton n’avait décidé de mener sa propre enquête. Avec, pour résultat, Rachel, documentaire poignant se doublant d’une méditation profonde sur la jeunesse et l’engagement politique.

Au moment des faits, la cinéaste, née à Rabat en 1955 et ayant vécu ensuite à Jérusalem et à Paris, prépare son film précédent, Mur (présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en 2004). La mort de Rachel, elle l’apprend aux infos du jour. « J’ai été choquée, c’était la première fois qu’un jeune pacifiste étranger était tué par l’armée israélienne. Ensuite, il y a eu d’autres morts, une série noire vraiment au cours des semaines qui ont suivi. C’était à la veille de la guerre en Irak, à la fin de l’ultimatum américain, tout le monde était très tendu. Il y avait là comme un gong, c’était une aggravation. » L’idée d’en faire un film, elle viendra plus tard, lorsque Simone Bitton lit les courriels qu’adressait Rachel à ses proches. Elle résultera aussi d’un mouvement d’indignation devant la promptitude de l’armée israélienne à se dégager de toute responsabilité: « Il y avait là quelque chose qui m’énervait beaucoup. L’armée enquête sur elle-même, et tout le monde s’en contente très facilement. » A quoi s’ajoutera ce qu’elle ressent comme un devoir: « Le fait que l’on ne veuille pas nous laisser entrer à Gaza depuis plusieurs années ne faisait que redoubler la nécessité d’y être et d’en parler. »

Travail de mémoire

Endossant les habits de la juge d’instruction, Simone Bitton conduit une enquête difficile – entre résistances diverses, refus de certains de collaborer et délicat travail de mémoire – mais rigoureuse, recoupant les témoignages et multipliant les sources. Le résultat, s’il impose une relecture de l’histoire, discréditant la thèse officielle de l’accident, laisse aussi au spectateur de vastes espaces où se mouvoir. « L’enquête cinématographique doit être du cinéma avant tout, c’est-à-dire qu’elle doit laisser une place au spectateur et à son imaginaire pour travailler avec lui-même. »Inscrite en filigrane de la démarche de la cinéaste, on trouve d’ailleurs une volonté d’embrasser un horizon plus large. « J’ai fait ce film en pensant à tous les jeunes qui décident de résister », explique-t-elle encore, en écho aussi aux propos de cet anarchiste israélien entendu dans le film: « Même quand on n’a pas l’espoir de réussir, il faut lutter… » Avant de conclure, alors qu’on l’interroge sur le cinéma comme acte de résistance: « Si le fait même d’exprimer ses sentiments de révolte, c’est de la résistance, oui. Mes films, en général, expriment ma propre révolte. Celui-là aussi. »

u Rachel, Documentaire

de Simone Bitton. 1 h 40. Sortie: le 06/01. zzzzz

Jean-François Pluijgers

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