Isabella Rossellini se met en scène dans Green Porno, une série de courts métrages ludiques sur la sexualité des insectes, destinés aux tout petits écrans. Rencontre.

La présentation est immuable. Face caméra et vêtue d’un costume rigolo, Isabella Rossellini propose:  » If I Were… » Et de s’imaginer tour à tour abeille, escargot, mante religieuse, mouche, luciole – il y a huit films en tout et huit espèces d’animaux, insectes pour la plupart, dont elle décrit brièvement l’anatomie, avant de se lancer dans l’explication de leurs pratiques sexuelles, gestuelle sur animation simple à l’appui. Ludique et gentiment provocante, la série de courts métrages animés s’intitule Green Porno. Outre la personnalité de son auteur et la singularité de son sujet, elle a aussi la particularité d’être destinée aux écrans de poche, et plus particulièrement à ceux des téléphones portables. C’est d’ailleurs à l’occasion du Festival Pocket Films, organisé à Paris par le Forum des Images, que l’on retrouvait l’actrice de Blue Velvet, ou encore tout récemment, du Two Lovers de James Gray, devenue réalisatrice pour la circonstance. Et celle-ci d’expliquer, dans un français impeccable, la genèse du projet:  » Le Sundance Institute a une chaîne de télévision, Sundance Channel, vouée au cinéma d’art, documentaire et expérimental. Ils disposaient d’un budget pour cette nouvelle distribution – dont on sait qu’elle existera sans en connaître le contenu – qu’est la distribution sur le Web et les portables. Robert Redford m’a donc proposé de faire une série de courts métrages. Les films doivent être courts, parce que le support induit qu’on les verra dans un environnement où l’on est facilement distrait. Et il m’a aussi incitée à traiter un sujet écologique – ils sont très verts , à Sundance. Avec ces éléments, je disposais déjà d’un modèle, en quelque sorte. »

La suite va couler de source:  » J’ai décidé de faire une série verte de petits films de deux minutes maximum, et traitant de la vie sexuelle des insectes. Je me suis toujours intéressée aux animaux. Et lorsque l’un des producteurs m’a suggéré de faire quelque chose de flashy, j’ai immédiatement pensé qu’il me parlait de sexe. Même si ce n’était pas le cas, nous voulions attirer l’attention sur cette production, et la possibilité qu’elle offre de faire de nouveaux films. Cette nouvelle technologie arrive partout, même dans des villages de pays qui n’ont jamais vu ni le cinéma ni la télévision. Il serait désolant de ne pas en profiter, et de ne proposer qu’un recyclage de choses ayant déjà été faites. »

APOCALYPSE NOW REDUX

Restait alors à trouver le type de réalisation le mieux adapté au format. A cet effet, Isabella Rossellini et ses partenaires de Sundance ont commencé par visionner d’innombrables films.  » Regarder Apocalypse Now ou un western sur un petit écran, c’est une grande injustice par rapport au film. Alors que les films d’animation de Walt Disney, même conçus pour le grand écran et avec des scènes comprenant beaucoup d’éléments, comme lorsque Blanche-Neige est dans la forêt, fonctionnent fort bien. » Considérations auxquelles sont bientôt venues s’en ajouter d’autres, accentuant une tendance à l’épure.  » J’ai vu des films tournés par des gens avec leur téléphone portable dans la rue. Dès qu’il y a superposition d’éléments, tout devient confus. Il faut une pureté d’image, ce qui m’a donné l’idée de réaliser ces films en studio, sous forme de dessins animés, avec trois ou quatre couleurs par film. » Vint, enfin, le canevas narratif:  » Je voulais installer l’idée d’une série, d’où un commencement similaire à chacun des épisodes. Et puis, chacun d’entre eux se terminait par la façon dont ils font l’amour, avec une petite transformation. Il était important que ce soit rapide, clair et facile à comprendre, nous avons donc beaucoup travaillé sur le minimalisme. Les publicités que j’ai faites mannequin m’ont aidée, c’était toujours un exercice de clarté et de synthèse. »

Un ton inimitable en plus – entre didactisme quasi enfantin et licence légère -, et voilà une série de petits films particulièrement savoureux, en prise aussi sur un cinéma plus expérimental.  » C’est comme une aventure, non? sourit Isabella Rossellini. Et donc, c’est drôle. Beaucoup de talents ne s’expriment pas à cause des structures et des besoins commerciaux qui veulent que les choses se répètent. Dans l’expérimental, on peut faire des choses différentes, et c’est un peu dans ma nature. Peut-être parce que je suis la fille de Roberto Rossellini, qui était certainement un cinéaste expérimental. Je me sens chez moi, quand je travaille avec Robert Redford ou Guy Maddin, ce sont des gens comme ceux avec qui j’ai grandi, qui s’amusent, sans penser beaucoup à la carrière ni à l’argent, parce qu’ils aiment beaucoup le cinéma. Et moi aussi, j’aime le faire, le cinéma… »

Du reste, et même si elle n’envisage pas la réalisation comme une nouvelle profession –  » cela m’amuse de faire l’expérience, mais une vraie carrière, non, trop tard pour ça« -, Isabella Rossellini s’apprête à tourner une suite à ses courts métrages animaliers:  » Comme la première série a eu beaucoup de succès, avec deux millions de visiteurs sur le site de Sundance Channel en trois semaines, ils m’en ont commandé une seconde, que je vais consacrer aux animaux de la mer, les crabes, les homards. Surtout ceux que l’on mange, parce que ce sont les seuls que l’on connaît fort bien. » On en salive déjà…

u www.sundancechannel.com/greenporno

ENTRETIEN JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS, A PARIS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content