Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Penn capitale – Trois films, trois rôles, trois raisons de considérer Sean Penn comme un gigantesque acteur de composition.

L’Impasse de Brian De Palma. Avec Al Pacino, Sean Penn, Penelope Ann Miller. 2 h 20. Universal.

L’Interprètede Sydney Pollack. Avec Nicole Kidman, Sean Penn, Catherine Keener. 2 h 05.

The Gamede David Fincher. Avec Michael Douglas, Sean Penn, James Rebhorn. 2 h 03.

Il a l’intensité d’un jeune premier, et le nom de James Dean revint souvent dans les premiers papiers consacrés à l’acteur débutant Sean Penn. Mais les chemins de la facilité ne sont pas ceux qu’aime emprunter cet artiste exigeant, complexe et ambitieux, tout aussi engagé dans son travail que dans le domaine politique où sa voix se fait régulièrement entendre de manière très critique pour les pouvoirs en place ( voir aussi notre dossier sur les élections américaines en page 10).

Sean Penn, une fois terminée sa fort médiatique aventure amoureuse avec la star Madonna, s’est préservé des spots d’une gloire évidente, pour se consacrer surtout à ses désirs de réalisation. The Indian Runner (1991), Crossing Guard (1995), The Pledge (2001) et tout récemment Into The Wild, ont démontré ses qualités de cinéaste filmant la douleur existentielle avec une rare profondeur. Sa carrière de comédien, Penn l’a menée avec intelligence et parcimonie, privilégiant les rencontres avec d’excellents metteurs en scène dont il pouvait apprendre, comme Clint Eastwood pour lequel il signa, dans Mystic River, un rôle d’une puissance telle que son Oscar du meilleur acteur 2004 ne souffrit aucune contestation.

Maître de la composition

Il s’est aussi plu à tenir ce qu’on pourrait appeler des « premiers seconds rôles ». Et avec quel succès, comme l’attestent les films réunis dans un coffret de trois DVD intitulé Sean Penn Collection. L’Impasse, L’Interprète et The Game voient Sean Penn s’ériger en maître de la composition, le « character acting » comme disent les Anglo-Saxons, cet art de croquer un personnage en marge des obligations réservées au jeune (ou moins jeune) premier de service, au héros qui doit se montrer… héroïque et « porter le film », selon l’image athlétique un peu lourde mais appréciée des gens de cinéma.

Le premier rôle, il le laisse à un Al Pacino dans L’Impasse, à Michael Douglas dans The Game, et à… Nicole Kidman dans L’Interprète. Dans le thriller percutant mais aussi bouleversant de Brian De Palma, où un gangster sorti de prison retrouve un quartier hispanique de Harlem bien changé au milieu des années 70, Penn incarne l’avocat du héros. Presque méconnaissable sous des cheveux crépus et derrière de grandes lunettes rondes, il compose un personnage-clé d’ami dangereux, pesant sur la pente glissante d’une chute annoncée. Une performance unique, digne des meilleurs films « noir ».

Dans le joliment pervers et manipulateur thriller de David Fincher The Game, il inquiète à nouveau en invitant son frère à un jeu aux règles mystérieuses et aux détours diaboliques. Et s’il rassure au contraire dans le suspense de Sydney Pollack, en agent secret scrupuleux, instinctif, cherchant à déjouer un complot meurtrier qu’une interprète à l’ONU a mis au jour, l’impression qu’il laisse est une fois de plus aussi complexe que fascinante. Trois films, trois rôles, trois sommets d’interprétation!

Louis Danvers

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