Directeur du musée naufragé de Musée haut musée bas, Michel Blanc fait ses choix d’une culture artistique

en danger. Subjectif et pertinent.

L’eau monte, menace le musée. La culture prend l’eau, le naufrage menace. Que restera-t-il du patrimoine artistique quand l’heure viendra d’embarquer sur un nouveau radeau de la Méduse? Michel Blanc doit parfois y penser, lui qui tient – à merveille – le rôle du directeur paranoïaque et littéralement débordé de Musée haut musée bas, la comédie régalante de Jean-Michel Ribes. C’est dans la suite… Magritte de l’hôtel Amigo, au centre de Bruxelles, que l’acteur a bien voulu nous dire ce qu’il choisirait de sauver, dans le domaine artistique, si l’eau continuait à monter…

Focus: s’il fallait sauver un musée?

Michel Blanc: je serais déchiré entre l’envie de sauver un grand musée généraliste, contenant une foule d’£uvres majeures – je choisirais le Louvre ou alors le Metropolitan à New York -, et le désir de sauver un petit musée comme je les adore. Dans cette catégorie, je choisirais le musée Guimet à Paris, qui est consacré aux arts asiatiques. Il y a là quelques statues khmères dont la vision me comble.

S’il fallait sauver un ministre de la Culture?

Je ne vais pas faire une réponse politique. En fait c’est très français, car peu de pays dans le monde ont un ministre de la Culture! Les gens de culture française sont persuadés que c’est indispensable, mais la culture se porte bien dans des endroits où il n’y a pas de ministère spécialisé… Enfin, je choisirais le père fondateur: André Malraux. Peut-être pas le meilleur, mais un mythe!

S’il fallait sauver une école artistique?

La Renaissance italienne, en peinture. Car c’est, soudainement, le soleil qui entre, l’ouverture vers l’extérieur, un courant d’air frais qui bouscule tout! J’aime aussi les peintres flamands, mais il y a ce quelque chose de solaire chez les Italiens qui me transporte. C’est, aussi, se rappeler que quand on a tout perdu, on peut regarder vers le passé (l’Antiquité, dans le cas des artistes de la Renaissance) et créer les formes de l’avenir.

S’il fallait sauver un écrivain?

Dans l’absolu, Homère. Et comme romancier, Flaubert sans aucun doute. J’aime énormément le lire.

S’il fallait sauver un musicien?

Quel dilemme pour moi! Je pense que ça serait Bach. Mais dans ma hiérarchie personnelle, Beethoven et Mozart sont pratiquement au même niveau. Sans parler de ma passion pour Brahms… Pourquoi Bach? Parce que c’est le père fondateur, celui qui a tellement influencé tous les autres!

S’il fallait sauver un auteur de théâtre?

Shakespeare, évidemment! Molière n’est pas mal non plus, mais Shakespeare est un génie universel, son mélange des genres – que les Français cartésiens n’osent généralement pas – mène au théâtre total.

S’il fallait sauver un cinéaste?

J’aime beaucoup Jean Renoir. La Règle du jeu (avec sa perfection classique) et La Grande illusion sont des chefs-d’£uvre absolus! Mais pourrais-je ne pas sauver Ernst Lubitsch? Lui à qui on doit la plus grande comédie jamais tournée: To Be Or Not To Be! Un film réalisé en pleine Seconde Guerre mondiale et où il se permet de rire du sujet, avec une grâce folle et en même temps une force quasiment militante.

S’il fallait sauver un acteur?

Désolé de rester français, mais ce sera Jean Gabin. Il y a eu une période, suite à la Nouvelle Vague, où il était de bon ton de le dénigrer. Et qui a sans doute empêché de jeunes auteurs de lui proposer de beaux rôles dans la seconde partie de sa carrière. Mais dans sa première période, il a révolutionné le jeu d’acteur. Il fut le premier à jouer de manière moderne, comme on joue encore aujourd’hui. A l’époque, tous les autres jouaient encore « théâtre »…

S’il fallait sauver un souvenir personnel lié à l’art?

Il y a, par rapport au métier d’acteur, un moment inoubliable. Tout petit, j’avais déjà très envie de devenir acteur. Mais j’étais très timide, je le suis toujours d’ailleurs. Un jour, en classe – je devais avoir 13 ans -, le prof a demandé qui voulait venir pour lire et jouer une scène des Précieuses ridicules de Molière. Je ne sais pas pourquoi j’ai levé ma petite main, je suis monté sur l’estrade (je jouais Mascarille), le texte tremblait entre mes mains… Mais pour la toute première fois de ma vie, je me suis senti absolument bien en public. J’ai eu cette sensation que c’est seulement là que je serais bien, et qu’il me fallait vraiment faire ce métier…

Entretien Louis Danvers

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