Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Jeune femme cathodique cherche histoires pour documentaires au long cours. Elle en trouve, pas moins de cinq, diffusées en décembre dans Tout ça (ne nous rendra pas le Congo).

Tout ça (ne nous rendra pas le Congo) est l’héritière de Strip-Tease: même producteur (1), même formule de doc sans voix off, même approche de sujets plus ou moins croustillants sur la longueur. Pour une paire de raisons – changement identitaire de la télé, télescopage avec la téléréalité -, Tout ça ne fait pas la carrière de son prédécesseur. Pourtant, la nouvelle série qui a démarré fin novembre avec Au bordel ce soir – carton d’audience – vaut son pesant de fascination cathodique. Safia Kessas est donc cette jeune femme de 38 ans au sourire XXL, qui a réalisé  » la moitié de l’antenne » du Tout ça actuel. Un court passage psy donnerait: fille de famille kabyle algérienne laïque, née en Belgique, elle tire de son enfance classe moyenne -papa est maître d’hôtel – un  » refus de l’argument d’autorité ». Cette brune au milliard de cheveux grandit donc au son de Cure et de Siouxsie, fait sa marginale bruxelloise ornée de  » ceinturesà clous » et entreprend des multi-études à l’ULB qui la conduisent à la carrière de diplomate potentielle. Trois ans au Ministère des Affaires Etrangères lui font dire qu’elle n’est pas faite pour le mix petits fours/grands discours dans une administration  » où chaque mot est pesé, cadré, où on se méfie de la créativité ».

Radiographie de l’Humanité

Trois autres années aux infos radios de la RTBF – après trois mois chez Nostalgie… – puis c’est l’entrée à Tout ça: « J’y apprends à désapprendre les règles journalistiques, là, on parle d’un tout, son et image, cela correspond aussi à mon envie de formats plus longs. » Partiellement engagée sur sa fiche d’identité – jeune, femme et d’origine maghrébine -, elle qui ne parle pas arabe et ne connaît rien au Coran, fait un premier film fort sur une jeune maroxelloise voilée. Sans forcément le vouloir, ses sujets s’intéressent autant aux femmes qu’une chanson de Julio Iglesias, sauf que cela ne finit pas forcément aussi bien. Après un attachant 26 minutes sur les accros de Second Life diffusé le 9 décembre – Quec£ur et les garçons –, là voilà bardée de quatre autres Tout ça. Rencontrée début décembre, elle cravache à la post-prod de deux films, nous en laissant voir deux autres déjà en boîte. Dans Crise, bonbons et chocolat (le 16 décembre sur La Une vers 22 heures) comme dans Femme du monde désespérée (le 30 décembre, même topo), elle s’attache à des personnages qui, mine de rien, ont beaucoup en commun. Vinciane et Chantal sont – respectivement – femmes d’affaires et de loisirs Dior: l’une est plus touchante que l’autre, l’une plus riche et show off. Entre Porsche(s), Courchevel, trip bobo bouddhiste, décolorations et conseillère en look (…), on retrouve ce qui faisait parfois la grandeur de Strip-Tease: une radiographie de l’Humanité coincée entre projection des grands espoirs persos et absurdité du réel. Pour y arriver: des mois d’approche et de tournage. Si la RTBF avait plus cette tonalité-là de service vraiment public –  » où on pense que les spectateurs sont capables de décrypter » , pas de doute qu’on passerait plus de soirées près de l’écran belche. Merci Safia.

(1) on ne va pas le (re)citer pour ne pas froisser sa modestie

naturelle.

u Les autres Tout ça de Safia Kessas sont à cause des garçons – le 16 décembre également – et L’homme n’est grand qu’à genoux, le 6 janvier, toujours sur La Une vers 22 heures.

Philippe Cornet

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