Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Plantureux – Plutôt que de reformer Led Zep dans un deal billionnaire, Plant a choisi de concocter un album roots incandescent sous le nom de son autre groupe sixties.

« Band Of Joy »

Distribué par Universal.

Le 10 décembre 2007, Led Zeppelin se produit au 02 londonien en hommage charity au fondateur d’Atlantic Records, Ahmet Ertegun. Plus d’un million de personnes se sont précipitées sur la loterie Internet qui ne délivre que 20 000 tickets, vendus -quand même- 250 dollars pièce. L’apparition du Zeppelin met fans et critiques en extase: les instigateurs du metal moderne n’ont pas perdu les vieilles recettes de l’alchimie blues nucléaire. C’est là que cela devient intéressant: résistant aux pressions de remettre la locomotive en marche pour une tournée mondiale qui s’annonce crassement lucrative, Plant décide de tourner l’album roots qu’il vient de sortir en compagnie d’Alison Krauss, célébrité bluegrass inconnue du cénacle rock (…). L’affaire, couverte de Grammy, s’avère être un grand succès. Le Zeppelin dérouté tente bien de remplacer Plant par l’un ou l’autre beugleur inconnu mais comment incarner autant de kilos de cheveux et une voix qui raconte si bien les fissures d’Amérique fantasmées par les jeunes Anglais des sixties? Exit la bande à Jimmy Page, Plant choisit en 2010 le Band Of Joy, nom porté par le groupe épisodique qu’il forma avec feu John Bonham (batteur du Zep) en 1966-1968. Il portait alors en lui un mélange de reprises rhythm’n’blues mâtinées de psychédélisme West-Coast. Band Of Joy est donc le titre de ce neuvième album solo de Plant, indiquant que les valeurs d’hier sont encore siennes aujourd’hui. Pour ces 12 morceaux -covers soul, traditionnels, obscurités folk et même lo-fi-, Plant s’est entouré de musiciens du secteur, embauchant la chanteuse Patty Griffin aux harmonies fines et formant un duo créatif avec l’éminence nashvillienne Buddy Miller.

Galvanisant

L’idée est bien évidemment de transcender les originaux, ce qui amène le son dans un halo volontiers psyché, nourri de guitares électriques poudreuses filant vers une destination mystère. C’est le sentiment induit par le doublé hypnotique Silver Rider et Monkey, 2 titres repris du trio du Minnesota, Low, transformés en épaisse gaze instrumentale trouée par la voix tactile de Plant. Justement, en compagnie de Krauss, le chanteur a quitté le terrain furieux de Led Zep pour épouser des nuances nouvelles, plus intimes, plus attachantes aussi. Les modulations talentueuses de la voix profitent d’un choix sans peur de morceaux aux origines éparses: seule une chanson est anglaise, le House Of Cards de l’estimable Richard Thompson. Laissant au sombre poète country Townes Van Zandt ( Harm’s Swift Way), au gospel traditionnel ( Satan Your Kingdom Must Come Down) ou à la soul originelle ( You Can’t Buy My Love et Falling In Love Again), le terreau propice à tous les fantasmes de reconstruction sonique comme sentimentale. Le résultat est galvanisant et prouve que même richissime -Plant est à la tête d’une fortune de 80 millions de livres-, l’âme humaine n’est pas forcément borgne. Et encore moins sourde. l

Philippe Cornet

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