Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Tainted love – Star planétaire, Rihanna prend et rend les coups avec son nouvel album, Rated R. L’amour vache, version r’n’b…

« Rated R »

Distribué par Universal.

Bienvenue dans le monde de Rihanna. Vingt ans, 3 albums, et des camions de disques vendus (plus de 4 millions d’exemplaires écoulés du dernier LP). De quoi accéder au statut d’hyperstar, dont le moindre changement de couleur de mèche est commenté en long en large, d’Abidjan à Copenhague. Faut dire qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre pour alimenter le débat. Jusqu’ici, aussi extravagantes qu’aient pu être ses tenues, aussi suggestives que se soient révélées ses chorégraphies, Rihanna s’est surtout contentée de (ne pas) sourire à la caméra, jouant des accents métalliques de sa voix caribéenne (elle est née aux Barbades).

En février dernier, la belle se faisait cependant agresser par son boyfriend, le chanteur Chris Brown. L’affaire fit évidemment couler beaucoup d’encre. Depuis, Brown s’est fait notamment condamner à 5 ans avec sursis et 6 mois de travaux d’intérêt général. Rihanna, elle, a mis la main à son nouvel album, épaulée par son habituelle armée de producteurs/compositeurs.

Sorti ces jours-ci, il est intitulé Rated R – classification américaine qui interdit l’accès au produit aux moins de 17 ans non accompagnés. Le noir et blanc agressif de la pochette donne le ton: Rated R est un disque sombre, ténébreux et sulfureux. Que ce soit via le beat lugubre de Wait Your Turn ou les basses quasi dubstep de G4L. Ailleurs, Rihanna diversifie les approches avec plus ou moins de bonheur. Fire Bomb, par exemple, ferait un excellent single pour Pink. Par contre, Rude Boy y va, lui, d’un gimmick trance téléphoné, tandis que Photographs lorgne trop vers les Black Eyed Peas au point même de convoquer Will.I.Am. Et du côté des inévitables ballades? De Cold Case Love écrit par Justin Timberlake à un Te Amo qui sonne comme une relecture saphique du La Isla Bonita de Madonna, Rihanna s’en sort plutôt pas mal.

Roulette russe

On pourrait donc se contenter d’évoquer un bon disque de r’n’b moderne, s’il n’y avait tout le reste. Loi du show-biz oblige, Rated R est forcément appelé à être disséqué à la lumière des violences domestiques qu’a subies Rihanna. La chanteuse le savait et lâche volontiers des éléments. A cet égard, le clip du premier single Russian Roulette est limpide, la star s’y faisant torturer, écraser, noyer, tirer dessus… La violence est là, frontale. Mais pas seulement: le sexe n’est pas loin non plus – la chanteuse faisant mine de se masturber, plus ou moins explicitement. D’autres titres, tout comme les illus de la pochette (enroulée dans du fil barbelé), confirment: Rihanna entend moins devenir une militante luttant contre les violences domestiques qu’une artiste essayant de sublimer la douleur. Y compris en passant par une imagerie SM parfois franchement glauque. Elle n’est pas la première chanteuse dans le cas. Deborah Finding vient de terminer une thèse à la London School of Economics. Son sujet: la mise en récit des violences sexuelles dans la musique populaire, de He Hit Me (And It Felt Like A Kiss) des Crystals en 62 au récent A Kiss With a Fist is Better Than None chanté par Florence & The Machine. La chercheuse peut désormais ajouter Rihanna à son corpus…

Laurent Hoebrechts

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