Omniprésent depuis son retour en grâce en 2002, Indochine sort La république des météors. Et se met en ordre de bataille pour son prochain défi: le Stade de France.

La grosse artillerie promo a été déballée. Le nouvel album d’Indochine est arrivé dans les bacs, et près de trente ans après les débuts du groupe, cela reste un événement. Qui l’aurait cru? Nicola Sirkis est là pour en parler, accompagné d’Oli de Sat, qui a pris une place prépondérante au sein du groupe depuis son arrivée en 2002.

En fait, l’itinéraire d’Indochine a beau être connu, il reste une énigme. Adulé dans les années 80, le groupe subira un violent retour de flamme au cours de la décennie suivante. Après coup, on peut penser que cette traversée du désert était prévisible. Voire souhaitable? En 93, Un jour dans notre vie fait un flop. Malgré son accroche pop, un single comme Savoure le rouge n’arrive plus à convaincre. « C’est un regret surtout parce que la maison de disques ne s’est pas battue pour le faire connaître. On était en plein dans la période boys band, c’était pathétique… A la limite, ce n’est peut-être pas plus mal qu’il n’ait pas marché. C’est bien aussi d’avoir des chansons incomprises… » Depuis, il y a eu le retour en grâce presque aussi fulgurant: en 2002, l’album Paradize se vendra à plus d’1,2 million d’exemplaires, emmené par le carton de J’ai demandé à la lune. « Cette chanson un peu honnie est devenue un mégatube. Il y a toujours un outsider qui arrive et qui casse tout. C’est ça qui est génial. Depuis, c’est devenu une référence dans les écoles. Ma fille de 7 ans l’a apprise en classe! »

Chevaliers blancs

Indochine se retrouve ainsi paré pour les années 2000. Avec en prime, cette image pratique de groupe revenu de tout: du succès aussi brutal que le passage à vide, des critiques de la presse, des moqueries… Malgré la revanche de ces dernières années, Nicola Sirkis parle toujours de son groupe comme du « vilain petit canard de la scène musicale française ». Avec le nouvel album, La république des météors, Indochine repart donc au combat. A la guerre même: le thème envahit en effet tout le disque. « L’idée est plutôt celle de rupture, explique cependant le chanteur . Je ne voulais pas faire un disque conceptuel. Puis finalement, c’est peut-être celui qui l’est le plus. Ça a démarré avec la lettre de rupture de Sophie Calle (NdlR: dans Prenez soin de vous, l’artiste française a demandé à 107 femmes de répondre à un e-mail de rupture qui lui était destiné à la base – idée qui avait déjà également inspiré Cali sur son dernier album). Après, ce thème de l’absence est revenu par d’autres recherches personnelles sur des villes que j’ai visitées, des lieux, des livres, des expos… » Exemple: Sirkis se plonge dans des archives de la Première Guerre mondiale, des lettres de poilus envoyées à leur famille. Des images de 14-18 constituent d’ailleurs la trame du clip de Little Dolls, le premier single.

Le message est clair: Indochine monte au front. Mais contre qui? « Il y aura toujours des discussions autour d’Indochine », assure Nicola Sirkis. De fait, La république des météors continuera à susciter à la fois l’enthousiasme des convaincus et le scepticisme des détracteurs. Mais au-delà? Nicola Sirkis s’est en fait trouvé une nouvelle bataille: celle du Stade de France, mégaconcert prévu le 26 juin 2010. « Au départ, j’avais dit qu’on ne serait jamais un groupe de stade. J’ai changé d’avis. On sera le groupe d’un stade. C’est la tournée précédente qui a modifié pas mal de choses. C’était la meilleure tournée du groupe, celle où j’ai pris le plus mon pied. A partir de là, soit vous en restez là, soit vous essayez de placer la barre encore plus haut. Et puis on a pu injecter un discours sur l’économie du prix des places. En démontrant qu’on peut y organiser un concert à 60 euros la place au lieu de 120, on va se faire beaucoup d’ennemis. On ne fait pas ça parce qu’on veut être les chevaliers blancs de la musique française. On veut juste respecter le public, et ne pas le duper comme la plupart de ces gros artistes… A la base, il y a déjà un peu un vol. C’est ce que disait Gainsbourg: la chanson est un art mineur et on est là pour voler l’argent des pauvres. Pour lui, à l’inverse de la peinture qui était un art majeur, faire une chanson c’est super facile – et il n’a pas tort, après il faut juste avoir le culot d’en faire. Le problème, c’est que des gens qui ont la chance d’excercer ce métier se tirent avec leurs revenus sous des cieux fiscaux plus cléments. Je trouve ça dégueulasse. C’est une trahison morale. Voilà, on veut bien donner notre âme au diable, mais on ne la vend pas. »

Peter Pan

En fait, dans son pacte faustien, Nicola Sirkis a surtout gagné une éternelle jeunesse. A quelques mois de ses 50 ans (en juin), le chanteur en paraît toujours 25, comme si le temps n’avait plus prise depuis le premier succès de l’Aventurier. « Récemment, j’ai eu une réunion avec les anciens camarades du lycée français de Belgique. Cela remonte à 40 ans quand même. Sans être méchant, on a fait une photo tous ensemble, on a l’impression que je suis leur fils » (rires). Est-ce qu’il faut trouver dans ce complexe de Peter Pan la raison qui amène les nouvelles générations à rejoindre le parcours d’Indochine? C’est finalement peut-être là encore le côté le plus « inédit » du groupe. Malgré les années, Nicola Sirkis continue d’évoquer des troubles qui tiennent plus souvent des remous de l’adolescence que des errements de quadra… « Je ne suis pas certain qu’il y ait une barrière d’âge. Certains problèmes, on les traîne toute sa vie… Au départ, le nom d’Indochine vient de l’univers de Marguerite Duras, dont je suis fan. J’ai toujours dit qu’elle écrivait exactement ce que j’avais envie de lire. Bizarrement, aujourd’hui, quand je reçois des lettres ou via le Net, les gens me disent retrouver dans les textes ce qu’ils avaient envie d’entendre. C’est vrai que je ne parle pas, comme la plupart de mes collègues, de mes problèmes personnels – même s’ils y sont évidemment. Le fait est qu’une chanson comme June sur l’album précédent, qui évoque l’anorexie, a parlé à plein de filles rongées par ce mal. Or j’en connais peu, voire pas du tout. Mais apparemment j’ai trouvé les mots qu’elles voulaient entendre… C’est un peu la magie de ce boulot: les gens se reconnaissent dans ce que j’écris, comme si c’était leurs problèmes ou leur vie qui étaient exposés. » l

Indochine, La république des météors, Sony. En concert les 21, 22 et 24 octobre 2009 (complets), et le 26 mars 2010, à Forest National.

Entretien Laurent Hoebrechts

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