À LA VIE, À LA MORT – GUS VAN SANT RÉUNIT 2 ADOLESCENTS HABITÉS PAR LA MORT DANS UN MÉLODRAME DÉLICAT PARADOXALEMENT EN PRISE SUR LA VIE. UN PUR BIJOU.

DE GUS VAN SANT. AVEC MIA WASIKOWSKA, HENRY HOPPER, RYO KASE. 1 H 31. DIST: SONY.

Son générique d’ouverture, au son du Two of Us des Beatles, suffit à installer Restless, le dernier film de Gus Van Sant, dans un espace accueillant, la photographie cotonneuse de Harris Savides enrobant un mouvement tout de fluidité balayant l’horizon de Portland. La suite sera du même ordre, pour un mélodrame délicat trouvant les accents d’une douce mélancolie en même temps que d’une grâce ineffable -une sorte de tour de force, s’agissant d’une love story hantée par la mort.

Van Sant, le réalisateur de films comme My Own Private Idaho et autre Paranoïd Park, trouve ici un terrain à sa main, puisqu’il est question dans Restless d’adolescents doublés d' »outsiders ». Soit, d’une part, Enoch (Henry Hopper, le fils de Dennis et la révélation du film), jeune homme traumatisé par la disparition de ses parents dans un accident, et (sur)vivant comme retranché du monde, dandy passant le plus clair de son temps à fréquenter les obsèques d’inconnus, quand il ne devise pas avec son seul ami, le fantôme d’un pilote kamikaze japonais. Et d’autre part, Annabelle (Mia Wasikowska, future grande, comme l’ont encore démontré Albert Nobbs et Jane Eyre), jeune fille souffrant d’un cancer en phase terminale, une maladie n’ayant entamé ni sa curiosité ni son insatiable appétit de vivre. Ecrite, pour ainsi dire, mais non programmée pour autant, leur rencontre va produire des étincelles, leurs 2 solitudes se rejoignant dans un défi au temps, à la mort et à leur marche inexorable.

En version muette

Il fallait la finesse et la sensibilité d’un Van Sant pour traiter semblable sujet et l’emmener en d’aussi lumineux terrains, à l’abri de l’excès de pathos, comme de la mièvrerie d’ailleurs. Pari tenu, avec un mélodrame distillant une émotion douce et profonde à mesure que s’installe cette histoire d’amour d’exception, transcendant un contexte chargé, et rayonnant de la fraîcheur de ses protagonistes. Paradoxalement à l’affût de la vie, Restless appelle naturellement la comparaison avec le Harold & Maud de Hal Hashby. Il n’en produit pas moins une musique singulière dont l’onde, apaisante, n’en finit pas d’habiter le spectateur, avec qui Van Sant réussit, comme souvent, à établir un dialogue intime.

Outre de courts et intéressants documentaires embrassant divers aspects de la production, de sa genèse au choix du réalisateur, l’édition Blu-ray propose une version muette du film. S’inspirant de la méthode de Terrence Malick, Gus Van Sant a en effet demandé à ses acteurs de jouer les scènes du film en gardant le silence -une économie les amenant à substituer des émotions à la parole, et à s’imprégner de l’énergie les reliant comme du rythme de chaque séquence. Objet d’un montage parallèle, le résultat, étonnant, mérite que l’on s’y arrête. Sorti trop discrètement sur les grands écrans, le film supporte du reste allègrement une double vision. Un must.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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