Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

APRÈS AVOIR EXHUMÉ LE GIORGIO MORODER NIGÉRIAN, LUAKA BOP SORT DE SON CHAPEAU LE TONTON CANADIEN D’ARIEL PINK.

Doug Hream Blunt

« My Name is Doug Hream Blunt »

DISTRIBUÉ PAR LUAKA BOP/V2.

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Label métissé et givré fondé en 1988 par le Talking Head David Byrne, Luaka Bop avait en 2013 braqué ses projecteurs sur William Onyeabor, artiste retraité aux claviers cinglés et au groove africain rétro-futuriste. C’est aux Etats-Unis qu’il s’en est allé chercher Doug Hream Blunt, son nouveau beautiful loser. Fan de Jimi Hendrix, Doug alors âgé de 35 ans décide en 1985 d’apprendre la guitare électrique et s’inscrit du côté de San Francisco à une formation en cours du soir. Son intitulé? Comment former un groupe… Doug est né dans l’Arkansas, a grandi en Californie et a enchaîné un tas de petits boulots. Son père est mort dans une explosion quand il avait deux ans. Sa mère a élevé huit gosses grâce à l’assistance sociale. L’Afro-Américain avait beau aimer la musique. Jamais il n’avait appris à l’écrire ou à en jouer.

Cet été-là, emballé, le vieil apprenti convainc ses camarades de classe de l’accompagner et de jouer les backing bands. Son prof de gratte Victor Flaviani accepte de s’asseoir derrière les fûts tandis que Laura, sa fille, se charge de la basse. Persévérant, Blunt passe deux ans à écrire et enregistrer dans le garage reconverti en studio de son pote Victor les chansons qui figureront sur son seul et unique disque. Ce disque, Gentle Persuasion, n’a pas, à l’époque, les honneurs d’une sortie officielle mais traîne dans les rayons « artistes locaux » de l’un ou l’autre mélomane magasin californien. Le bonhomme n’ayant laissé aucune coordonnée, pas plus qu’il ne va voir si ses exemplaires se vendent, il restera longtemps un mystère. Certes, Blunt a aussi confectionné Big Top. Un six titres avec des chansons présentes sur son 33 tours mais des paroles différentes. Il passera même dans une émission de télé et donnera début des années 90 quelques concerts solo. Mais la chaîne est locale et il ne se produit que pour les patients de l’hôpital où il travaille alors comme aide-soignant…

24 Heures

Les choses pour Doug ont depuis bien changé. L’obscur label OT Records le découvre d’abord grâce aux bienfaits des marchés aux puces et des vide-greniers, le contacte et l’aide à vendre les copies de l’album encore dans son garage (il prétend ne jamais avoir reçu l’argent que la maison de disques lui a fait miroiter). Les blogs finissent par relayer, se mettent à faire circuler l’oeuvre du franc-tireur. David Byrne et Devendra Banhart partagent leur enthousiasme. Le duo Hype Williams composé d’Inga Copeland et Dean Blunt (il aurait emprunté son nom de scène au guitariste) sample sa chanson la plus connue Gentle Persuasion. Et Ariel Pink, assurément l’un de ses descendants, l’invite à l’interpréter sur scène lors de l’un de ses concerts pas plus tard qu’au printemps dernier.

Luaka Bop met l’oreille dessus via un mix de Joakim, prend contact et le signe le lendemain. « William Onyeabor nous a pris quatre ans. Ce mec même pas 24 heures. » Le génial My Name is Doug Hream Blunt fait figure de rétrospective en même temps que de carte de visite. Le bonhomme qui a grandi en écoutant Ricky Nelson, Elvis et James Brown, et cite pour idole Hendrix, Santana et BB King, a le Curtis Mayfield lo-fi (Fly Guy), le Ariel Pink précurseur (Gentle Persuasion)… Funky, groovy, poppy, Crazy.

JULIEN BROQUET

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