Récifs de vie

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

ÉCHAPPÉ DE JOY AS A TOY, CLEMENT NOURRY MARCHE SUR LES TRACES DE JOHN FAHEY ET DE JIM O’ROURKE AVEC UN ALBUM JAZZY DE FOLK ÉLECTRIQUE ET DE ROCK INTROSPECTIF.

Clement Nourry

« Under the Reefs »

DISTRIBUÉ PAR CHEAP SATANISM RECORDS/MANDAÏ.

7

C’est une histoire belge. Mais celle d’un Français. Un Lillois qui a quitté les bancs de l’unif, option math-physique, pour le Conservatoire de Bruxelles. Un guitariste aguerri qui a étudié le cor et la flûte à bec, a gratté le nylon sur du Queen, du Lou Reed et du AC/DC… Avant d’étudier le jazz quand il n’était pas encore revenu dans l’air du temps. Jeune papa, vieux trentenaire, Clement Nourry a déjà pas mal roulé sa bosse. Que ce soit avec les empêcheurs de tourner en rond de Joy As A Toy ou aux côtés de l’ancien Eté 67 Nicolas Michaux dont il accompagne la réinvention sur les sentiers escarpés d’une chanson française qui part à l’aventure.

Tout juste diplômé, Nourry s’était déjà bricolé un album solo artisanal en 2006. Il en dessinait les pochettes et l’avait même défendu à travers l’Europe dans des bars à moitié vides, devant des gens à moitié pleins, ou en tout cas guère passionnés par ce qu’il avait à leur offrir. Dix ans plus tard, Under the Reefs, disque instrumental né d’une rupture sentimentale (« une époque de changement »), emmène le guitariste bruxello-chti sur les pas tortueux d’un folk à la fois accessible et compliqué. Improvisé et savamment pensé. Pas question de naufrage ici. Le garçon est un disciple de Bert Jansch, de John Fahey, de Jim O’Rourke, de Marc Ribot. Ces gratteux virtuoses qui aimaient frotter leurs cordes au jazz et aux musiques traditionnelles, au classique et aux sonorités plus expérimentales…

Enregistrement: Nicolas Michaux, mix: Pierre Vervloesem (le Zappa belge qui a coproduit le premier dEUS) et pochette: Antoine Bonan (Great Mountain Fire). Under the Reefs navigue dans les mêmes eaux qu’un Ryley Walker (la voix en moins) et se laisse dériver, emmené par le courant, dans une introspection en scaphandrier au fond de l’océan. On pense à un William Tyler, à Daniel Bachman. A tous ces musiciens qui parviennent à raconter des histoires sans avoir à décrocher un mot. Du splendide et tourmenté Hoedic au rassurant Short Stories en passant par La Ligne de flottaison et Le Naufrage (avec ses faux airs de Dans Dans), Undert the Reefs sonne comme les aventures en mer d’un miraculé. Miraculé du coeur sauvé d’une noyade amoureuse à laquelle il aurait abandonné ses tourments et son chagrin.

Pour commencer l’année en beauté, Clement proposera le 19 janvier au Botanique un concert performance avec la danseuse de butô Anne Laure Lamarque (sa compagne) dans le cadre de l’exposition 5 Cities consacrée au photographe William Klein. Cadrage sauvage, flou assumé. Klein est connu pour son approche subjective et fragmentaire de la réalité et c’est ce qu’incarnent finalement les six scénettes instrumentales de ce magnifique Under the Reefs. Applaudissements Nourry…

LE 19/01 AU BOTANIQUE.

JULIEN BROQUET

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