Question de savoir-faire

À la fois technique et jubilatoire, charismatique et fendard, le rap de Deen Burbigo fait plus que jamais des étincelles sur son nouveau Cercle vertueux.

La dernière fois que Deen Burbigo donnait de ses nouvelles, c’était il y a déjà trois ans. À l’époque, en 2017, le rappeur sortait Grand cru, premier album officiel, qui obtenait directement un disque d’or. Un joli score pour le membre du collectif L’Entourage -duquel sont également issus Nekfeu, Jazzy Bazz ou encore Alpha Wann. Deen Burbigo y déployait sa vision d’un rap de haute voltige, acrobate dans sa manière de jongler avec les mots. Un rap pour amateurs convertis, qui se permettait malgré tout l’une ou l’autre ouverture. Par exemple avec des morceaux comme Tu rêves (avec Nekfeu) ou plus encore Me réveiller et le single Pas une autre.

Depuis, autant dire que pas mal d’eau a coulé sous les ponts d’un rap game hexagonal en pleine surchauffe. Deen Burbigo aurait pu en profiter pour convertir la réussite commerciale de Grand cru et viser encore plus franchement le grand public. Au lieu de ça, le nouveau Cercle vertueux prend un malin plaisir à revenir aux fondamentaux. Ce qui n’exclut pas un succès éventuel. Mais s’il doit arriver, cette fois, ce sera sans rien céder de l’ADN du rappeur, cultivant plus que jamais son goût pour les phases techniques et les cascades textuelles.

Question de savoir-faire

Né à Marseille en 1987, Mikael Castelle, de son vrai nom, grandit à Toulon, où il cravache ses premiers textes. C’est toutefois en arrivant à Paris (pour étudier l’Histoire à la Sorbonne) que Deen Burbigo se fait vraiment connaître. Notamment via les Rap Contenders, ces sessions de battles qui se retrouvent ensuite postées sur les plateformes vidéo comme Dailymotion. Lancés en 2010, ces duels oratoires passionnés seront le terrain de jeu de toute une génération de rappeurs français, de Nekfeu à Dinos, pour qui les ego trip ne valent que s’ils permettent un feu d’artifice technique.

Aujourd’hui encore, c’est cet état d’esprit indé qui est célébré dans le Cercle vertueux de Deen Burbigo. Sans que cela n’ait rien de passéiste ou de réac: si le rap a explosé en se faisant plus pop, il n’a jamais non plus perdu de vue ses bases, l’un n’empêchant pas l’autre. Avec sa gouaille inimitable – » Je veux pas sauver la planète, faire le rappel/C’est un boulot d’ecclésiaste/Moi je suis là pour le caramel/et prendre la Sacem à Julio Iglesias » ( Tout dedans)-, Deen Burbigo réussit ainsi à proposer un rap très technique, sans jamais sonner vintage. Ni uniforme, d’ailleurs. La quinzaine de titres proposée alterne banger pour initiés ( Cercle vertueux), morceau monocouplet ( OG San), cascades jubilatoires ( Immunité diplomatique, avec le camarade Alpha Wann). Le second degré fendard, l'(auto-)dérision et l’art de la punchline sont la règle, tout en glissant ici et là des commentaires plus désabusés – » J’habite un ensemble de tours HLM/ où les non-résidents viennent pour acheter l’herbe » ( Piège à loup). Ailleurs, BNB (avec Némir) joue encore la carte de la ballade. En fin d’album, Deen Burbigo se laisse même aller à retracer son parcours.  » La vraie richesse, c’est le savoir-faire » , insiste-t-il. À ce niveau-là, Deen Burbigo est déjà millionnaire.

Deen Burbigo

« Cercle vertueux »

Distribué par Saboteur Records.

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