SCHATZBERG RÉVÉLÉ – AVEC PORTRAIT D’UNE ENFANT DÉCHUE, LE FUTUR RÉALISATEUR DE L’ÉPOUVANTAIL SIGNAIT UN PREMIER FILM FASCINANT, TRANSCENDÉ PAR LE MYSTÈRE DE FAYE DUNAWAY.

DE JERRY SCHATZBERG. AVEC FAYE DUNAWAY, BARRY PRIMUS, VIVECA LINDFORS. 1971. 1 H 44. ED: CARLOTTA. DIST: TWIN PICS.

Réalisateur aujourd’hui quelque peu oublié, Jerry Schatzberg fut, dans le courant des années 70, l’auteur de films aussi mémorables que The Panic in Needle Park et Scarecrow, Palme d’or à Cannes en 1973. C’est précisément en ouverture de Cannes Classics que l’on a pu redécouvrir l’an dernier, en copie neuve, Portrait d’une enfant déchue ( Puzzle of a Downfall Child), son premier long métrage, tourné à l’entame des seventies, et objet aujourd’hui d’une exemplaire édition Blu-ray/DVD.

Comme son titre l’indique, c’est à un fascinant portrait de femme que se livre ici le réalisateur new-yorkais. A savoir celui de Lou Andreas Sand (Faye Dunaway), ancienne égérie de la mode se racontant à un confident et ami, le photographe Aaron Reinhardt (Barry Primus), projetant de réaliser un film sur sa vie, son ascension et sa non moins irrésistible chute. Le tout, orchestré en un montage fragmenté, le film adoptant le point de vue subjectif de la jeune femme et enchevêtrant ses souvenirs dans une construction où il est bientôt impossible de discerner la réalité des fantasmes. Seule restera, au final, l’immense détresse de celle qui fut autrefois une icône à la splendeur révérée -Faye Dunaway trouvant là incidemment l’un de ses plus beaux rôles, mélange de mystère, de grâce et d’une fragilité explosant dans une ultime séquence d’une émouvante et profonde beauté.

Entre effervescence et vacuité

Photographe de mode réputé -il travaillait notamment pour Esquire, Life et autre Glamour-, Jerry Schatzberg s’est inspiré, pour ce premier film, de la vie tourmentée du mannequin Ann Saint Marie. A quoi il a notamment associé ses souvenirs personnels; résonance intime encore accentuée par la liaison qui l’avait uni, deux années durant, à Faye Dunaway. De ce collage, largement mâtiné de fiction, résulte une £uvre superbe: bouleversante tragédie d’une femme brisée, Portrait d’une enfant déchue est aussi la peinture d’un milieu et, au-delà, d’une époque, balançant entre effervescence et vacuité. Le tout, admirablement traduit tant par l’audace narrative du film que par son aboutissement esthétique -soit un chef-d’£uvre judicieusement arraché à l’oubli.

Editeur de ce petit bijou, Carlotta a eu la belle idée de l’accompagner de deux bonus pertinents. Pierre Rissient y raconte l’extraordinaire destin du Portrait, découvert au festival de San Francisco, et auquel il permit de survivre au mépris de la critique américaine, laquelle ne voulait y voir que le film d’un photographe de mode. Quant à Michel Ciment, le directeur de Positif, il s’entretient longuement avec un réalisateur passé maître dans l’art de laisser filtrer un sentiment de vérité dans ses films. A tel point, raconte-t-il, que, ayant vu The Panic in Needle Park à Cannes, Keith Richards lui demanda s’il était lui-même dans les drogues dures. « C’est ma responsabilité de donner au spectateur une vision honnête du sujet que je porte à l’écran », observe Schatzberg. Postulat renforcé par l’acuité de son regard, dont ce puzzle aventureux apporte l’éloquente démonstration.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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