Portrait d’un visionnaire

Paprika

Un passionnant documentaire revient sur le parcours et l’oeuvre du mangaka et réalisateur nippon, auteur de Perfect Blue et Paprika.

Si sa filmographie ne compte que quatre longs métrages sortis sur une dizaine d’années, de 1997 à 2006, l’empreinte qu’a laissée Satoshi Kon sur le cinéma d’animation est indélébile ( lire le dossier page 22), le cinéaste japonais en repoussant les limites, postulat posé dès son premier film, le stupéfiant Perfect Blue, comme d’ailleurs celles de la narration. Ainsi dans l’extraordinaire Millennium Actress (2001), rêverie étourdissante retraçant le parcours d’une actrice légendaire (inspirée de Setsuko Hara, la muse de Ozu), et remontant le fil désordonné de ses souvenirs, vie et films confondus, pour embrasser encore l’Histoire du cinéma nippon comme celle du Japon moderne, pas moins. Réalisé à l’occasion des dix ans de sa disparition, survenue en 2010, Satoshi Kon, l’illusionniste, le documentaire que lui consacre aujourd’hui Pascal-Alex Vincent, est assurément plus sage que son cinéma. Il ne s’en avère pas moins passionnant, introduction idéale à un univers qu’il invite à (re)découvrir, tout en livrant certaines de ses clés.

Portrait d'un visionnaire

Respectant la chronologie, depuis les premiers pas de Kon comme dessinateur de mangas au Young Magazine et comme assistant de Katsuhiro Otomo, l’auteur d’ Akira, jusqu’à Dreaming Machine, le film sur lequel il travaillait au moment de sa mort, le documentaire s’attache aussi bien à son art, de nombreux extraits de films et interviews à l’appui, qu’à sa personnalité complexe. Les deux étant il est vrai indissociables, comme il ressort des multiples entretiens conduits par l’auteur avec ses collaborateurs, unanimes pour saluer son génie visionnaire et son perfectionnisme, assortis d’un caractère que l’on qualifiera pudiquement de « difficile ». Qu’importe après tout, c’est une aventure artistique hors du commun qui s’écrit ici, illustrée par des témoignages de premier ordre: le producteur et fondateur de Madhouse Masao Maruyama, l’auteur de SF Yasutaka Tsutsui, mais encore des animateurs, scénaristes et autres doubleuses d’anime (et notamment Junko Iwao, la Mima de Perfect Blue). Un aréopage prestigieux auquel s’ajoute une galerie de cinéastes ne l’étant pas moins qui, de Mamoru Hosoda à Darren Aronofsky, en passant par Marc Caro, Jérémy Clapin ou Rodney Rothman, soulignent l’importance primordiale de son oeuvre. Si son parcours laisse forcément un parfum d’inachevé -Kon n’avait que 46 ans au moment de sa mort, et tout donne à penser que Dreaming Machine, que ce film aborde largement, allait le voir se réinventer une nouvelle fois-, c’est néanmoins l’audace et l’incroyable modernité de son cinéma qui transparaissent de ce documentaire fouillé. Un film que Pascal-Alex Vincent raconte avoir entrepris afin de  » démocratiser l’oeuvre de Kon » et de la rendre accessible à tous, pari relevé haut la main pour le coup.

Satoshi Kon, l’illusionniste

De Pascal-Alex Vincent. Avec les témoignages de Masao Maruyama, Yasutaka Tsutsui, Darren Aronofsky… 1 h 22. Dist: Carlotta.

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