Point, click, repeat

Hommage au studio Aardman et à Wes Anderson, les visuels de Trüberbrook croisent stop-motion et jeu vidéo. Une miniature fascinante, mais sans âme.

Du papier kraft, de la colle et des ciseaux. Comme en témoigne The Dream Machineet Yoshi’s Crafted World, le jeu vidéo rêve parfois de bricolage et d’artisanat. Filmé en stop-motion, le monde et les personnages d’argile de The Neverhood poussaient cette logique à l’extrême en 1996. Ce point & click gorgé d’énigmes surréalistes brille aujourd’hui comme un collector vu sa rareté (42 000 copies vendues) et son anachronisme (l’époque était aux polygones 3D). Si TheNeverhood a nécessité trois tonnes de glaise et des décors gigantesques pour sa réalisation, Trüberbrook a en partie été modélisé sur ordinateur. Mais il célèbre lui aussi l’art du fait main.

Baigné de sépia, Trüberbrook plonge dans l’Allemagne rurale de la fin des années 60. L’esthétique de Wes Anderson est invoquée par ce point & click. Dès le générique d’ouverture, un travelling suit l’ascension d’un autocar sur une montagne en carton-pâte. Cette approche visuelle évoque avec bonheur L’Île aux chiens et Fantastic Mr. Fox. Jeune physicien américain, Hans Tannhauser y découvre un village haut perché, peuplé d’habitants loufoques. Cet « Américain en Europe » claudique entre le Monkey Island de LucasArt et les Chevaliers des Baphomet de Charles Cecil. Hélas, il peine à porter l’héritage de ses illustres pères.

Plongé dans une conspiration, Trüberbrook revendique une parenté avec Twin Peaks et X-Files. Souris en main, il déballe une galerie de personnages à l’intérêt inversement proportionnel à son esthétique. On ne comprend ainsi pas ce qui motive son héros à s’allier avec une cliente autoritaire de son hôtel. D’une réceptionniste qui prête une canne à pêche en échange d’un sex-toy à un vieil homme acariâtre, le splendide théâtre de miniatures ouvre des pistes qu’il n’explore pas. Sarcasmes et plaisanteries tombent très souvent à plat.

Petits bricolages entre amis

Déballant des énigmes à base d’objets à trouver et à utiliser dans ses décors, Trüberbrook se solde par des séances de ramassage compulsif. La plupart des énigmes coulent de source. Mais elles s’étalent parfois sur un nombre excessif de tableaux, pour un jeu de piste insondable. D’une clef cachée dans une gouttière à un aliment planqué dans un buffet, saisir tous les détails du contexte relève de la gageure. Les allergiques à la chasse aux pixels en seront pour leurs frais. Le gameplay permet heureusement de mettre en lumière tous les objets avec lesquels on peut interagir.

Florian Kühne, l’initiateur de Trüberbrook, nous expliquait l’an dernier dans les allées de la Gamescom de Cologne que les graphismes de Trüberbrook entendaient apporter une touche humaine à la nature digitale du jeu vidéo. D’un ciel étoilé surplombant les néons d’une station-service au travelling d’un labo secret, son résultat brille de mille feux. Dommage que sa narration et son gameplay s’y soient consumés.

Trüberbrook

Édité par Headup Games et développé par btf, âge: 12+, disponible sur PC, PlayStation 4, Nintendo Switch et Xbox One.

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