Pochettes flambées
Benjamin Biolay est à l’avant-plan, pilote de course face à un interlocuteur qui note ses propos. Celui-ci est le fils de Jean-Pierre Beltoise, fameux champion automobile frenchie mort en 2015. À leurs côtés, une Matra Formule 3 de 1969. Ce qui ne serait jamais qu’un autre exercice visuel de chic nonchalance, marque du crooner français, prend du coffre via l’arrière-plan. Ou un présumé cascadeur -on le lui souhaite- passe dans le champ, intégralement en feu. Cette ambitieuse mise en scène signée par le photographe Mathieu César orne donc la pochette de Grand Prix, à paraître le 26 juin chez Universal. Elle renvoie immanquablement au classique des humains en feu discographique, le Wish You Were Here de Pink Floyd sorti tout début 1975. Une image créée par la firme londonienne Hipgnosis, fondée en 1967 par deux étudiants de Cambridge, Storm Thorgerson et Aubrey Powell. Archi-célèbres dès qu’ils conçoivent le prisme cosmique de The Dark Side of the Moon du même Floyd. Pendant une quinzaine d’années, Hipgnosis jouera d’une esthétique où le grandiose dispute à l’incongruité ses créations pré-numériques. Où la mise en scène des paysages, objets, humains, artefacts, lumières et autres, composant une pochette, est réelle, avec peu ou pas de trucages. Cette tendance à la pochette spectaculaire, frimeuse -adorée du rap et du metal- va peu à peu adapter, à partir des années 90, l’infini des possibilités digitales. Celles-ci conçoivent un monde visuel parfois aussi zarbi et déluré, voire grandiose ou de simple mauvais goût show off, largement dépendant de Photoshop. En reprenant une formule de fabrication somme toute analogique, Benjamin Biolay rend aussi hommage à une forme d’artisanat sophistiqué qui privilégie l’imagination réelle à la toute puissance de la 3D industrielle. Morale de pochette (?) à suivre.
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