Le savoir-faire créatif et technique des Japonais en matière de jeux vidéo s’érode et peine à s’exporter. Séisme en vue.

Resident Evil 5, Gran Turismo 5 et Final Fantasy XIII ont beau cristalliser le doigté vidéoludique nippon, les studios de développement de l’archipel traversent une crise créative et technique sans précédent. Autrefois avant-gardistes et moteur de la relance du secteur au niveau mondial (après le crash US de 1981 avec des inoubliables comme Mario, Zelda et Sonic), les développeurs japonais peinent désormais à briller face à leurs homologues occidentaux.

Palpable depuis deux ans, cette tendance s’est à nouveau confirmée lors du dernier D.I.C.E. (« Design Innovate Communicate Entertain ») de Las Vegas le mois dernier. Invité de ces Etats généraux des jeux vidéo, Jun Takeuchi, créateur du prochain Resident Evil 5 (et de Lost Planet) chez Capcom stigmatisait des projets vidéoludiques japonais renfermés sur eux-mêmes, frileux face à toute prise de risque créative et considérant les ventes à l’étranger comme un bonus. Exception faite de certaines grosses pointures comme Nintendo, les quelques acteurs s’essayant avec sérieux à l’exportation n’arrivent pas à s’y imposer. Et ce dernier de rappeler les erreurs naïves de Capcom dans leurs tentatives de plaire aux Occidentaux. Comme l’enrôlement de développeurs européens pour leur dernier Shadow of Rome. Ou l’utilisation de Jean Reno dans l’adaptation PAL de Onimusha 3. Plus récemment, Blood Curse – le dernier chapitre de Forbiden Siren (chez Konami) -, apprécié chez nous pour ses références sanglantes et nippones, a été à son tour victime de ce syndrome. Souvent jugée à tort comme une fin en soi, la prouesse technique – graphique en particulier – n’en demeure pas moins essentielle à une immersion jubilatoire. Handicapés par un contenu qui séduit l’Occident sans vraiment l’hypnotiser – au contraire de l’industrie hollywoodienne du cinéma -, les jeux vidéo japonais peinent en plus à maîtriser les derniers raffinements technologiques sur next gen. Alors qu’Hideo Kojima, le créateur de Metal Gear Solid confirme l’hécatombe sur GameSpot, Shigeru Miyamoto, le génial père de Mario, s’épanchait lui dans les colonnes du magazine Wired, expliquant que ce savoir high-tech était « seulement détenu par de très grands groupes comme Sony, Capcom ou Square Enix ».

Le Japon n’est plus high-tech

Mais posséder une grosse puissance de frappe ne semble même plus suffire. Sony désavoue ainsi dans les faits son propre potentiel créatif ludique universel. Motorstorm Pacific Rift, Resistance 2, Killzone 2, Buzz, Singstar: excepté Gran Turismo 5, l’ensemble des blockbusters de la PlayStation 3 est créé par des studios américains et européens (internes ou liés). Shuhei Yoshida, président de Sony Worldwide Studio, déclarait d’ailleurs récemment que « la base technologique est passée du Japon vers les États-Unis et l’Europe ».

Si bien que le plus gros volume de nouveaux jeux vidéo made in Japan se retrouve désormais sur Sony PSP, Nintendo DS et sur Wii, nettement moins évoluées techniquement et donc plus facile à appréhender. Le développement low cost japonais, lui, risque de se répandre via la popularisation croissante du Wii Ware, Xbox Live Arcade et autres PlayStation Store, ces services de téléchargements de jeux à faible coût de production. L’empire des télébigamu (1) est-il sur le déclin? l

(1) Jeux vidéo en japonais.

Michi-Hiro Tamaï

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