Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

CLINT EASTWOOD FILME UN TIREUR D’ÉLITE PATRIOTE ET PROLIFIQUE. MAIS LE CINÉASTE A DÉJÀ CIBLÉ PLUS JUSTE…

American Sniper

DE CLINT EASTWOOD. AVEC BRADLEY COOPER, SIENNA MILLER, LUKE GRIMES. 2 H 12. SORTIE: 25/02.

5

Commercialement, c’est un… carton! Chronique des missions moyen-orientales d’un tireur d’élite battant des records de « hits » (160 morts par ses tirs comptabilisés), American Sniper ne pouvait que rencontrer les faveurs d’un large public aux Etats-Unis. La dimension patriotique (il se bat pour protéger son pays) et même religieuse (il invoque directement Dieu) du discours de Chris Kyle sonnant bien aux oreilles de spectateurs pour qui l’Amérique est en guerre et ne saurait se tromper… Sur le plan créatif, par contre, le nouveau film de Clint Eastwood apparaît loin, très loin, de ses meilleures réussites. La simple -et inévitable- comparaison d’American Sniper avec The Hurt Locker de Kathryn Bigelow souligne les faiblesses tant formelles qu’intellectuelles du plus récent des deux. Là où sa cadette créait une tension maximale, presqu’insoutenable, communiquant le sentiment de danger et de confusion régnant en zone de combat, Eastwood fige son classicisme dans un filmage raide et répétitif, un montage dépourvu de vrai suspense, et le choix d’un interprète (Bradley Cooper) éminemment moins capable de nuances que le Jeremy Renner révélé par Bigelow.

Regard simpliste

A cette relative faiblesse de style correspond aussi une vision étonnamment simpliste de la part d’un réalisateur qu’on a connu tellement plus complexe. Certes Clint s’affiche ouvertement républicain, et patriote. Mais ses films n’ont jusqu’ici jamais hésité à bousculer les certitudes morales de la droite américaine. Et le respect du drapeau ne l’a jamais empêché de pratiquer l’ironie à l’égard des va-t-en guerre. On ne saurait par ailleurs pousser le refus du manichéisme jusqu’à vouloir renvoyer dos à dos Navy Seals et djihadistes… Mais force est de constater que le regard adopté par Eastwood dans American Sniper ne trouve pas la distance -pour autant qu’il l’ait cherchée-, tant le premier degré d’une lecture purement et simplement héroïque n’y est point contestée. Certains éléments de réalité (c’est au départ une histoire vraie, rapportée par Chris Kyle lui-même dans un livre autobiographique) se trouvant même manipulés par souci de cohérence. Seul le coup de théâtre final, que nous nous garderons bien de dévoiler ici, vient quelque peu obscurcir les choses, et inviter à quelque réflexion. Trop peu pour un sujet géopolitique toujours crucial aujourd’hui. Trop peu aussi pour un grand cinéaste dont on avait pris l’habitude d’attendre plus de subtilité d’exécution, et plus d’originalité de pensée. Qu’aurait fait Steven Spielberg, un moment très intéressé, s’il avait mené le projet à bien?

LOUIS DANVERS

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