LE SHARKO EN CHEF S’ÉMANCIPE DU TRIO POUR LIVRER SES CHANSONS SOLITAIRES QUI IMPLOSENT LE COCON FORMATÉ D’UNE POSSIBLE MÉLANCOLIE. UNE RÉUSSITE.

David Bartholomé ne reçoit pas à domicile:  » Il n’y a qu’un vieux canapé en mousse, une télé de 1991 et de la fibre de verre pas peinte.  » Ne divulgue pas sa date de naissance:  » Cela pourrait amener les gens à me considérer autrement.  » Refuse de commenter son statut social:  » Quand tu parles d’argent, cela ne fait pas rêver les gens. Sauf si tu es George Clooney et que tu as une maison en Toscane (…).  » Alors quoi, 2 claques au neveu de Greta Garbo? Mais non, son disque solo ( lire critique page 35) est trop beau pour le châtiment corporel et on comprend vite que ce mélange de Grand Meaulnes et de Lou Reed porte le masque friable d’un musicien angoissant sur 2 ou 3 déficits communs à l’humanité rock. Exemple? La reconnaissance plutôt que le succès commercial de son groupe Sharko: 12 années d’existence, 5 albums, dont le dernier – Dance On The Beast, paru au printemps 2009moyennement accueilli.  » Le second degré n’a pas été compris par tous.  » Pas que les précédents aient pulvérisédes olympiades de ventes, mais les 3e et 4e opus, tournant autour de la barre symbolique des 10 000 pièces en Belgique, sauvent un honneur magnifié en concert. Terrain de jeu d’un curieux animal doué pour écharper le rock comme on moud le b£uf mort en américain cru.

« Je fonctionne au rêve »

Dans un jardin pas loin de Bruxelles, David, soucieux d’être compris, trace le cercle des envies disparues:  » Avec Sharko, j’ai l’impression d’être allé aussi loin que possible dans le rayonnement que l’on pouvait avoir ici… Encore l’AB, encore Dour ou L’Entrepôt d’Arlon, encore le clown Sharko (sic).  » Pour arriver à ces moments plus proches d’un Neil Young au cabaret des âmes flottantes que d’un -au hasardMike Brant, il faut emprunter les balbutiements d’une biographie placée sous le double signe de la variété et du rock. Doté d’un grand frère fan de hard (maladie connue) et de parents séparés, David grandit dans l’appartement de fonction de l’auberge de jeunesse arlonaise maternelle. Il y côtoie non seulement des voyageurs exotiques mais aussi les goûts de ces années-là, passant du schlager teuton (mutter est originaire de Cologne) aux gras riffs d’AC/DC-Led Zep et au classique Prokofiev-Tchaïkovski entendu chez papa. L’ombre Colgate d’André Torrent et des Carpentier (1) télescope celle des premiers Eurythmics et Joe Jackson.  » J’étais touché par des chansons comme le Himalaya de C. Jérôme, qui avait une sorte de Wall Of Sound spectorien à la française. J’ai digéré Dalida, Téléphone, Balavoine et AC/DC ou plus tard, les Cramps et Hüsker Dü dans une espèce de magma de cultures incluant aussi le cinéma: au final, tout cela passe par le prisme de ma personnalité. Fondamentalement, je fais du divertissement et je fonctionne au rêve.  »

Les griffes de la nuit

Quand on fait remarquer à David qu’il y a de la marge entre sa façon libertaire de mixer « variétoche et haute culture » et son image indé-rock, il livre une anecdote passablement métaphorique:  » Sur YouTube, j’ai tapé le titre d’Eddy Mitchell, Pas de boogie-woogie , et au lieu de tomber sur le clip de la chanson, j’ai vu la vidéo d’un gars mettant le 45 Tours en question sur un pick-up, le disque faisant un grand cccccrrrr. J’ai eu l’impression de rentrer dans un tunnel, un univers de griffes et j’ai eu envie d’y écrire des chansons.  » Si le script ressemble à une obsession d’un autre David (Lynch), il complète plusieurs années pendant lesquelles les 2 autres Sharko jugent certaines compositions du chanteur non adaptées au format trio.  » Début 2008, j’ai commencé à faire des concerts solos, non amplifiés ou à peine, devant tout au plus 80 personnes. Il fallait un répertoire pour ces gens-là. Selon l’humeur et le lieu, j’en suis venu à des chansons parfois chorales comme I Sing ou We Spent , d’autres titres naissant de films: Speak Out est inspiré du Badlands de Terrence Malick et Sugarland Express de Spielberg. Mars et Never sont venus après de multiples visions de Zodiac , un truc sourd et insondable, hyper fatigant parce que tu cherches une réponse à une question qui t’échappe.  » David choisit son appartement -celui de la fibre de verre pas peintepour faire chauffer le Pro Tools en solitaire, chant et guitare compris. Il enregistre aussi dans une  » belle maison de Hoeilaart » avec Peter Crosbie, Australien ayant eu son heure de gloire synth-pop. La voix de l’indé-rockeur Sharko s’en trouve apaisée:  » J’ai longtemps pensé que l’âme devait être hurlée, qu’il fallait se craquer la gorge, sinon la soul ne serait pas présente. J’ai compris que la voix pouvait baisser de volume, une façon aussi de me mettre en danger.  » En novembre au Botanique, David défendra son univers, seul, guitare en main, pédales sonores aux pieds, avec la possible incursion du collectif La Fabrique, comédiens issus du Cours Florent. Et quand Bartholomé précise que ces derniers lui rappellent  » le théâtre du Splendide en moins noir« , on fantasme sur le résultat: David en version binaire de Michel Blanc ou Thierry Lhermitte…

(1) RESPECTIVEMENT ANIMATEUR DE RTL ET CÉLÈBRE COUPLE DE PRÉSENTATEURS D’ÉMISSIONS DE VARIÉTÉS À LA TÉLÉ FRANÇAISE

EN CONCERT LE 20/10 AU VIEUX MOULIN D’ECAUSSINNES, LES 29 ET 30/11 ET 01/12 À LA ROTONDE DU BOTANIQUE.WWW.MYSPACE.COM/EDDYMERDE

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RENCONTRE PHILIPPE CORNET

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