Oiseaux des cités – À se brûler les ailes

© ELLINOR HALLIN

Surnommée Steelopolis, Motherwell était jadis la capitale de l’acier en Écosse. C’était il y a bien longtemps. Avant que le déclin de l’industrie lourde ne plonge la ville, la région même, dans le marasme économique et le chômage endémique. Depuis, Motherwell s’est réinventé une vie. Les call centers ont fleuri. Le fabricant de whisky William Grant & Sons est devenu l’un des plus grands employeurs de la ville. C’est là, dans une cité, la misère et l’abandon, que Gemma a grandi. Gosse de jeunes, elle n’a jamais eu de père et sa mère, droguée, est partie quand elle était bébé.

Aujourd’hui, Gemma a 18 ans. La rage au ventre. Les insultes et les poings qui la démangent. Son grand-père colombophile, qui s’occupe d’elle depuis qu’elle est toute petite, lui donne des cours de boxe et essaie de la tenir à l’écart des enroules. Gemma zone, boit de l’alcool sous les ponts et fume des clopes en faisant son jogging… « Ici, on se fait soit engrosser soit enfermer », dit (non sans confier qu’elle espère y passer sa vie) le joli bout de femme à la chevelure blonde et au regard sauvage qu’on jurerait sortie d’un film de Ken Loach ou d’un vieux Stephen Frears. Peu après avoir rencontré Pat, un jeune du quartier qui a fait de la prison comme la plupart de ses potes, Gemma tombe enceinte et emménage avec lui dans l’une des tours de la ville.

Ellen Fiske ( Keep Me Safe, Lone Dads) et Ellinor Hallin (qui a récemment travaillé sur Gösta, la première série originale suédoise de HBO) ont suivi pendant plusieurs années la jeune fille, son quotidien agité et son entourage désoeuvré. Des promenades à la fête foraine aux errances avec les caïds, on croise notamment Scott, qu’elle considère comme son cousin. Scott qui a poignardé des gens, volé et braqué des dealers et est censé retourner bientôt derrière les barreaux.

Récompensé à Tribeca et au festival du film de Denver, À se brûler les ailes ( Scheme Birds) raconte le passage de l’adolescence à l’âge adulte dans un environnement compliqué et filme sans misérabilisme ceux qu’on appelle « les oiseaux des cités ». Ces gosses ayant grandi trop vite et dont les jeux de virilité peuvent tourner au cauchemar. Jamais pourtant, les images ne sont insoutenables. Sans jamais forcer le trait, porté par une BO qui lui colle à peau, ce documentaire suscite à la fois compassion et admiration. Le portrait vibrant d’une gamine devenue femme au milieu de la violence et des pigeons.

Documentaire d’Ellen Fiske et Ellinor Hallin.

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