La machine NTM à peine relancée, voilà que Joey Starr se retrouve à jouer son propre rôle à l’écran. Et se met même en tête de faire du cinéma pour de vrai. Rencontre avec un personnage qui cultive les paradoxes.

Festival du Film d’Amour de Mons. Après-midi de Saint-Valentin. On a connu contexte moins incongru pour rencontrer Didier Morville, alias Joey Starr. Surtout que la veille, le bougre a écopé de trois mois de prison ferme pour violences conjugales… On s’attendait dès lors à ce que la moitié de NTM brille par son absence au moment de présenter Le bal des actrices, le nouveau film aux accents musicaux de Maïwenn. Voire que le festival décide l’annulation de ses interviews. Mais c’est la réalisatrice qui fera au final faux bond, laissant l’animal, pas à un paradoxe près, défendre seul ce film sur les actrices:  » Ben oui, c’est aberrant. Mais Maïwenn a fait de moi une actrice, alors voilà… « , rigole-t-il avant de bâiller à s’en décrocher la mâchoire puis s’envoyer une grande rasade du contenu d’une flasque en métal.

Il explique:  » Audépart, Maïwenn m’a branché pour écrire un morceau pour le personnage de Charlotte Rampling. Une première pour moi puisqu’on ne m’avait jamais demandé d’écrire des paroles pour qui que ce soit. J’aime bien sortir des sentiers battus alors j’ai trouvé ça excitant. Ca s’est passé un peu comme un entretien d’embauche avec madame Charlotte Rampling. Je suis arrivé avec ma petite feuille, ma petite maquette. Elle a lu, écouté, et ça lui a plu. Alors je l’ai emmenée chez moi dans le ghetto à Saint-Ouen pour enregistrer. Toute une rencontre quand même. Le truc vraiment bien c’est que ma mère pense que je suis un poète maintenant. » Dans la foulée, Maïwenn lui demande de jouer dans le film:  » J’ai cru qu’elle se foutait de ma gueule au départ, qu’elle voulait voir si j’allais m’envaper ou autre. Mais elle rigolait pas. Et j’ai compris que c’est Didier Morville qu’elle voulait, et puis casser une image créée par une certaine presse. »

Nouvelles sensations

Quand il évoque son rapport à la presse justement, il s’emballe gentiment puis conclut:  » De toute façon je lis jamais les articles sur moi, ni les critiques. D’ailleurs en musique la question ne se pose pas, parce que je suis dans une démarche où je fais des albums qui sont des outils pour qu’on vienne me voir sur scène, donc ça signifie que le retour il est immédiat pour moi. J’ai vingt ans de bouteille et aucun besoin de me faire humidifier les boulettes par un journaliste. »

Pas du genre à regarder dans le rétro, l’ami Joey. Et si les portes du cinéma s’ouvrent devant lui, alors il avance.  » J’ai un agent pour le ciné maintenant, sérieux et tout hein. Je suis demandeur de nouvelles sensations. Déjà dans la musique c’est ce côté sensations qui me fait vivre, bien plus que le côté formel des choses, m’enfermer en studio tout ça… De toute façon la précision c’est pas mon truc. Là, il y a Claire Denis qui me propose un premier rôle dans son nouveau projet. Et pour connaître un peu son travail, je me dis que ça peut être une bonne expérience. »

Ainsi, Le bal des actrices marque bien le véritable début d’une carrière pour l’acteur Joey Starr qui, après quelques brèves apparitions dans des comédies, trouve là son rôle le plus consistant. Encore un peu trop étriqué pour juger du réel potentiel du garçon en la matière, même s’il y a déjà quelques savoureux moments à la clé. Il faut le voir en effet mitrailler plein écran des répliques comme  » Y a pas écrit Benjamin Biolay ici » ou  » Les frères Dardenne, les frères Dardenne, j’en ai rien à battre des frères Dardenne. Moi mon film culte c’est Les Bronzés »…

Entretien Nicolas Clément