Par James Meek, Métailié, 340 pages.

Octobre 2001. Le monde vacille. L’Amérique est KO debout tandis qu’en Afghanistan se déroule une guerre d’un autre âge. C’est dans cette poudrière qu’atterrit Adam Kellas, grand reporter anglais. Pour y couvrir les événements bien sûr mais aussi pour y puiser la matière du thriller géopolitique qui lui assurera, pense-t-il, la notoriété et la fortune.

Enfermé avec ses coreligionnaires dans une résidence placée sous très haute surveillance, il ne capte que des bribes du conflit. L’auteur, qui fut lui-même correspondant de guerre pendant plusieurs années, rend très bien cette atmosphère poisseuse où se mêlent l’attente et l’angoisse.

Un climat moite, mité par l’ennui, qui favorise la macération des esprits et fait remonter à la surface toutes les frustrations, les espoirs déçus et les ambitions avortées accumulées au cours d’une existence d’une extraordinaire banalité sous ses dehors trépidants.

Vie sentimentale en lambeaux, carrière au point mort… Le bilan d’Adam Kellas accuse un sérieux passif, qui rend d’autant plus insupportable la réussite de son ami d’enfance, Pat M’Gurgan. Ce poète écossais sédentaire rencontre le succès sans même l’avoir cherché et sans passer par la case compromission. Pour couronner le tout, cet ingrat a épousé Sophie, le premier amour d’Adam. A croire qu’il y a des amis qui vous veulent du mal…

Descente en piqué

Notre reporter n’est pourtant pas au bout de ses peines. Dans l’enfer de Kaboul, il rencontre Astrid Walsh, jeune journaliste américaine au caractère bien trempé. Mystérieuse, insaisissable et séduisante, elle apparaît et disparaît sans prévenir. Il n’en faut pas plus pour envoûter Adam, à qui elle accorde une étreinte sans lendemain. Quoique…

De retour à Londres, les bombes à retardement larguées en Afghanistan vont lui exploser à la figure une à une. Son projet de best-seller, pourtant bien engagé, lui claque dans les doigts. Il se brouille avec tous ses amis. Même ses tentatives pour renouer avec Astrid, suite à un quiproquo informatique, vont se révéler catastrophiques. Et le faire basculer au fond du trou. Pour la rédemption, on repassera…

Plus abouti, plus complexe aussi que son premier roman, Un acte d’amour, cette fable décape les sentiments, l’ambition et l’écriture avec du papier de verre. Du travail de pro…

Laurent Raphaël