LE TEMPS RETROUVÉ – TRAN ANH HUNG ADAPTE HARUKI MURAKAMI ET SIGNE UN DRAME DÉLICAT ET PÉNÉTRANT, UNE DÉAMBULATION MÉLANCOLIQUE OUVRANT SUR L’ÉTERNITÉ.

DE TRAN ANH HUNG. AVEC KENICHI MATSUYAMA, RINKO KIKUCHI, KIKO MIZUHARA. 2 H 25. DIST: LUMIÈRE.

Tran Anh Hung rencontrant Haruki Murakami, il y a là, après- coup, quelque chose qui relève de l’évidence, tant la sensibilité du cinéaste, l’auteur notamment de L’odeur de la papaye verte, s’accorde harmonieusement à celle du romancier. Empruntant son titre à la chanson des Beatles qui éveille les souvenirs de Watanabe, son narrateur, Norwegian Wood est l’adaptation de La ballade de l’impossible, une £uvre dont Tran a préservé le cadre temporel -la fin des années 60-, comme l’ancrage japonais. Au c£ur de l’histoire, 3 jeunes gens, dans l’insouciance de leurs 20 ans pas même consommés, Watanabe, la jolie Naoko et son petit ami, Kizuki, triangle isocèle que vient briser le suicide inopiné de ce dernier, laissant les 2 autres à leur douleur et à leur solitude. Alors que Watanabe va s’employer à continuer à vivre sous les traits d’un étudiant quelconque, Naoko va s’enfoncer dans une dépression toujours plus profonde, leurs routes n’en finissant plus de se croiser, en une double errance suspendue au fil du temps, entre amours enfuies et hypothétiques lendemains. La matière est dense autant que sensible, le film arpentant les reliefs accidentés de l’amour, de la perte et du deuil. Aspiré par la mort mais sensible au moindre souffle de vie, Norwegian Wood dispense une émotion délicate et paradoxale pour, au-delà des tourments de ses protagonistes, magistralement relayés par la musique de Jonny Greenwood, rayonner d’une douce mélancolie. Récit à la première personne, le film de Tran Anh Hung réussit ainsi, à l’image du roman dont il s’inspire, à créer une relation intime avec chaque spectateur. Ce n’est certes pas le moindre de ses mérites, à quoi l’on ajoutera la traduction, en langage purement cinématographique, de l’agitation intérieure qui consume ses personnages, et qui achève de faire de Norwegian Wood une expérience esthétique et sensorielle rare. Le film, qu’une vision est loin d’épuiser, est livré en 2 versions, le director’s cut ajoutant 17 minutes à celle exploitée en salles. Un making of fouillé en dévoile par ailleurs les coulisses, passionnantes.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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