Une femme sous influences – Entre famille étouffante et recherche d’elle-même, Christophe Honoré signe un intense portrait de femme. Avec Chiara Mastroianni, brûlante…

De Christophe Honoré. Avec Chiara Mastroianni, Marina Foïs, Marie Christine Barrault. 1 h 45.Sortie: 25/11.

Paris, gare Montparnasse. Embarquant avec ses enfants, Anton et Augustine, à destination de la Bretagne, Léna ne semble plus savoir où donner de la tête, entre le gamin qu’elle perd de vue et cette pie que la fillette voudrait recueillir. Quelques heures plus tard, l’arrivée dans la maison familiale bretonne n’est guère plus encourageante – fraîchement séparée, la jeune femme découvre que ses parents et sa s£ur ont orchestré à son insu la venue de Nigel, son ex-mari, la première d’une série de trahisons de son cercle intime visant à lui imposer son bonheur malgré elle. Faire front ou perdre pied? Entre les deux, Léna balance, femme indécise et pétrie de contradictions, engagée dans un voyage tumultueux à la recherche d’elle-même, et ballottée encore au gré des projections des uns et des autres…

Changement de cap apparent pour Christophe Honoré qui, au sortir d’une trilogie parisienne que ponctuait récemment La belle personne, retrouve le cadre de sa Bretagne natale, théâtre d’une chronique familiale à déflagrations multiples. Au-delà d’un tissu relationnel riche et complexe, s’y déploie en effet ce qui ressemble à quelque chose comme l’air du temps, envisagé non dans ses expressions superficielles, mais bien dans l’épaisseur de ses inflexions sur les êtres. Inscrit dans son époque, Non ma fille… devient ainsi le terrain d’un conflit de générations larvé qui se cristalliserait autour de Léna, adulte en voie de dépossession – avec ce que cela suppose, aussi, en termes d’intensité et d’émotion.

Un film et son double

Impossible, naturellement, de ne pas faire le parallèle entre Non ma fille tu n’iras pas danser et Un conte de Noël d’Arnaud Desplechin. Articulés autour de réunions circonstancielles, les deux films partagent un même substrat où la famille sert de révélateur des êtres en même temps qu’elle se fait relais d’un rapport au monde. Dans un cas comme dans l’autre, le propos se double d’une authentique jubilation de cinéma et de son corollaire, une stimulante liberté, au nom de laquelle Honoré se permet par exemple d’interrompre son récit pour y glisser un étonnant conte celtique, venu apporter un éclairage pour le moins troublant à l’histoire qui redémarre bientôt. S’y ajoute une présence commune aux deux films, celle de Chiara Mastroianni qui s’approprie avec un mélange de fragilité et de détermination ce rôle de femme tourmentée; une femme dont le parcours s’inscrit à la fois dans l’immédiateté de l’instant et dans l’incertitude de son temps.

C’est là, encore, le charme et la densité d’un film cultivant l’art de la double détente, et des apparences trompeuses – comme ces eaux trop planes du conformisme par lesquelles Léna refuse de se laisser engloutir. Il n’est pas même la pop délicate de XTC qui échappe à ce constat, la douceur de Making Plans for Nigel trouvant ici une dimension douloureusement ironique. Peinture d’un certain désenchantement, le cinéma d’Honoré ajoute, quant à lui, à l’élégance de l’esthète la profondeur des sentiments. Au point de laisser étrangement secoué.

voir aussi l’interview de chiara mastroianni en page 30.

Jean-François Pluijgers

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