MALGRÉ UN NOM IMPROBABLE, LES !!! SONT TOUJOURS LÀ. TOUT LE MÉRITE À SON LEADER SAUTILLANT, OBSÉDÉ MUSICAL RESTÉ FIDÈLE À L’ADAGE CLINTONIEN: « FREE YOUR MIND, AND YOUR ASS WILL FOLLOW. »

En relisant les notes de l’interview, on retombe sur l’écriture de Nic Offer. Dans un coin de page, le leader de !!! a indiqué le lien vers un long article qu’il a publié sur le Net: « Prince is his own best friend. »« J’ai rassemblé et commenté une trentaine d’enregistrements pirates de Prince. Vous aimez Prince? » Affirmatif. « Les deux premiers fichiers, ce ne sont que des hits! C’est incroyable que tout cela ne soit jamais sorti officiellement… » C’est sûr, Nic Offer est fan. Sur scène, il danse d’ailleurs un peu comme son Altesse pourpre. Et un peu comme Mick Jagger aussi. Genre.

Rock ici ou funk là-bas, pourquoi choisir de toute manière? Avec son groupe, !!! (prononcez Chk Chk Chk), Offer n’a jamais tranché. C’est le privilège des formations nées avec les années 2000, et le téléchargement illégal. « Tout à coup, l’album à écouter absolument n’était plus le nouveau LP de tel artiste, mais un obscur disque folk de 1974, disponible en quelques clics. » Aux Etats-Unis, cela a donné une nouvelle scène indie, partant dans tous les sens: les White Stripes, les Strokes, les Yeah Yeah Yeahs… Ou encore LCD Soundsystem, et son mélange d’esprit punk et d’ambition dance. Un peu comme les !!! en quelque sorte. Mais avec un impact différent: là où la formation de James Murphy a fait la Une de la presse musicale, celle de Nic Offer est toujours restée en deuxième ligne. Officiellement, sans que cela ne crée de rivalité. « Je pourrais commencer à discuter, argumenter qu’on a été les premiers à creuser l’idée. Mais je n’ai pas envie de rentrer là-dedans. Le fait est que James a vu tout de suite le tableau d’ensemble. Il a compris qu’il était possible d’amener les gamins fans d’indie rock dans les clubs. Nous, cela nous semblait improbable! » Depuis 2011, LCD Soundsystem est une affaire close. Les !!!, eux, dansent toujours. Pas mal pour un groupe dont le nom improbable n’a jamais dû beaucoup aider…

Un nouveau disque, As If, vient de paraître (lire critique page 41). Le sixième. Un chiffre qui ne ressemble à rien, impossible à « vendre ». Nic Offer se marre: « Je comprends. Tout le monde me pose la question: « A quel point est-ce excitant d’enregistrer un sixième album? » (rires). Je vous assure que si je trouvais autre chose d’aussi amusant à faire, j’essaierais. Mais ce n’est pas le cas. » Pour tromper la routine, Offer et ses camarades pratiquent donc ce qu’ils appellent la « Blue Monday philosophy », référence au tube de New Order. Un groupe « qui bossait avec des machines qu’il ne comprenait pas ». Appelez-les idiots savants…

New York I love you…

L’ennui, Nic Offer le craint plus que tout. A 42 ans, il sait que les surprises se provoquent, et que la curiosité s’entretient. « Une étude récente a montré que les gens arrêtaient de découvrir des nouvelles musiques après 33 ans. Flippant, non? » Comment l’explique-t-il? « Il y a plein de raisons. Je crois que c’est en partie lié à la sexualité, au fait d’être jeune, de sortir en club, de faire des rencontres… » On en déduit que sa vie amoureuse reste des plus chaotiques. « Je confirme! (rires)«  Plus que jamais, Offer bouffe donc de la musique. Récemment, il a chopé Vince Staples, Kendrick Lamar, Drake, bugge sur Nina Kraviz, Moodymann, ou le dernier Future. Plusieurs fois, le nom de Taylor Swift revient aussi sur la table. « Je n’ai pas spécialement envie d’aller boire un thé avec elle, mais sa musique a quelque chose de fascinant, en ce que chacune des notes jouées est pensée pour titiller la zone de plaisir. Du pur sucre. » Une fascination, en même temps qu’une méfiance, pour la pop ultra-bright, qui doit remonter à l’enfance: à six ans, Nic Offer est fan de Kiss, mais c’est un best of d’Abba que sa mère lui offre… « Heureusement quelque part! »

Plus tard, de toutes façons, il vire punk. Avant tout par commodité –« à douze ans, j’avais lu que les punks ne savaient pas jouer. Cela tombait bien: moi non plus. » En vrai, il se découvre surtout obsédé par la musique en général. « Chaque année, j’avais une nouvelle épiphanie. » Ado, il tombe par exemple amoureux des Smiths. Quand il entre au lycée, cependant, c’est la cata. « C’était un établissement catho, bourré de mecs réacs et homophobes. Avec mon attirail new wave, j’étais la cible idéale. L’horreur. » A partir de là, la colère fera le reste. Aux saillies romantiques de Morrissey succéderont les diatribes rageuses hardcore de Black Flag, The Nation of Ulysses… Son premier vrai groupe, The Yah Mos, sera punk, hargneux, énervé.

Lui qui a grandi à Sacramento supporte alors de moins en moins le cool californien: dès qu’il peut, il se taille à New York –« A Los Angeles, vous êtes toujours seul au volant de votre voiture. A New York, vous prenez le métro au milieu des gens. Je préfère. » Certes, l’atterrissage est rude. Fauché, il émarge à l’assistance publique, se retrouve à suivre des formations pour devenir puériculteur –« le seul métier que j’ai un jour vraiment exercé ». Pendant plusieurs années, il tire sur la corde, logeant à l’oeil chez une connaissance, « un pote anar’ mais qui gravait son nom sur la pochette, la housse, et la rondelle, de chacun de ses disques (rires). » Au final, il a déjà 28 ans quand le premier album de !!! sort officiellement. Il était moins une…

Aujourd’hui, Offer vit toujours à New York. Il est un peu plus à l’aise. Même si !!! ne vendra jamais des camions de disques, il le sait bien. Politisé (mais pas politique), il a quand même préféré décliner récemment une proposition pour utiliser l’un des morceaux de son groupe dans une pub McDo. « Honnêtement, ce n’était pas très difficile à refuser. » L’important est ailleurs. Sur scène, où !!! continue d’entretenir une réputation de solides bambocheurs. Et puis sur disque, à toujours rechercher le kick, l’étincelle initiale. « Si vous pensez y être arrivé, de toute façon, c’est foutu, fini. Et perso, je ne veux pas que ça s’arrête. J’ai envie qu’on puisse me demander à quel point c’est excitant d’enregistrer un 7e disque (rires). »

!!!, AS IF, DISTR. WARP.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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